HUMOUR ET MILITANCE À LA SAUCE SPIKKKE

Dans les années 70, une histoire surprenante… déroutante et détonante : Ron Stallworth, devient le premier officier de police afro-américain de Colorado Springs à s’infiltrer dans l’organisation du Ku Klux Klan. Un récit qui méritait une grande adaptation cinématographique. Chose faite par Spike Lee… BlacKkKlansman sort ce mercredi 22 août.

Fraichement couronné du Grand Prix du Festival de Cannes mais aussi d’une jolie mention spéciale du Jury œcuménique, BlacKkKlansman du cinéaste Spike Lee, se présente à un plus large public en sortant ce mercredi en salle… explosion de rires, de colère, d’engagement politique et d’indépendant cinéma. Ce retour du réalisateur américain était fortement attendu.

Au début des années 70, au plus fort de la lutte pour les droits civiques, plusieurs émeutes raciales éclatent dans les grandes villes des États-Unis. Ron Stallworth devient le premier officier Noir américain du Colorado Springs Police Department, mais son arrivée est accueillie avec scepticisme, voire avec une franche hostilité, par les agents les moins gradés du commissariat. Prenant son courage à deux mains, Stallworth va tenter de faire bouger les lignes et, peut-être, de laisser une trace dans l’histoire. Il se fixe alors une mission des plus périlleuses : infiltrer le Ku Klux Klan pour en dénoncer les exactions.En se faisant passer pour un extrémiste, Stallworth contacte le groupuscule : il ne tarde pas à se voir convier d’en intégrer la garde rapprochée. Il entretient même un rapport privilégié avec le « Grand Wizard » du Klan, David Duke, enchanté par l’engagement de Ron en faveur d’une Amérique blanche. Tandis que l’enquête progresse et devient de plus en plus complexe, Flip Zimmerman, collègue de Stallworth, se fait passer pour Ron lors des rendez-vous avec les membres du groupe suprémaciste et apprend ainsi qu’une opération meurtrière se prépare. Ensemble, Stallworth et Zimmerman font équipe pour neutraliser le Klan dont le véritable objectif est d’aseptiser son discours ultra-violent pour séduire ainsi le plus grand nombre. 

Disons-le tout de suite, ce stupéfiant fait divers est une perle précieuse offerte à Spike Lee pour affirmer ses positions politiques et, une fois de plus, combattre la haine raciale face à face et, plus largement, tout ce qui divise des populations. BlacKkKlansman est un film pamphlet où le réalisateur new-yorkais dénonce à la fois le racisme, l’extrême droite et le président américain Donald Trump. Mais pour s’y employer le cinéaste mixe avec talent l’humour et la militance. Dédiant son film « à la République populaire de Brooklyn », son quartier à New-York, Spike Lee défend le mélange des genres de BlacKkKlansman : « Cela a déjà été fait par de grands réalisateurs, Stanley Kubrick par exemple, avec Docteur Folamour, ou par Billy Wilder, Sydney Lumet. En fait, j’aime mélanger les trucs »,a-t-il insisté.

Humour qui devient parfois ironie ou caricature permettant ainsi de ridiculiser les idées racistes du Ku Klux Klan qui se gratifie de « private joke » nombreux ou clins d’œil bien repérables. Mais aussi cette démarche directement politique et militante dopée par une rythmique percussive et redoutablement efficace. On passe de l’éclat de rire au silence profond, des larmes joyeuses à la boule au ventre. Et, par ce biais, ce juste équilibre, l’histoire se déroule naturellement comme cela se produit d’ailleurs dans la vraie vie.

Des séquences viennent aussi s’incruster façon « storytelling » et amplifier la dramaturgie en nous plongeant face à la réalité abjecte de la haine. Je pense notamment là, par exemple, à ce moment où ce vieil homme (incarné par Harry Belafonte, le premier acteur noir à avoir lutté pour les Droits Civiques) raconte à une assemblée de jeunes activistes noirs le lynchage de Jesse Washington, martyr de l’histoire afro-américaine, qui fut émasculé, carbonisé, et pendu à un arbre. Les photos de son corps calciné furent même imprimées et vendues comme cartes postales. Séquence montée intelligemment en parallèle avec le discours glacial de David Duke, grand maître du Klan, à ses adeptes établissant un parallèle évident entre cette idéologie (« rendre sa grandeur à l’Amérique », « America first »), et les slogans de campagne présidentielle de Donald Trump façon « Make America Great Again ». Sans spoiler plus qu’il n’en faut, la fin est à ce titre aussi exemplaire avec des images récentes du rassemblement de toutes les factions racistes et suprématistes américaines à Charlottesville, le 12 août 2017 que précisément Donald Trump n’a que trop honteusement validé.

Très remarquable aussi, le questionnement proposé régulièrement autour du personnage principal, l’inspecteur Stallworth, policier et noir, ce qui paraissait antinomique à l’époque. Comment conçoit-il sa participation à la cause noire ? Et d’ailleurs, en suspend, qu’est-ce qu’être noir et américain aux USA ? Tout n’est pas si simple et Stallworth reconnaitra ainsi trouver une profondeur dans une partie du discours du leader afro-américain Kwame Ture, tout en se sentant véritablement en désaccord sur certains points.

D’un point de vue purement cinématographique, Spike Lee nous prouve encore qu’il demeure un réalisateur qui ose encore et toujours. Adam Driver évidemment (ce n’est pas nouveau !) mais aussi un vrai coup de coup de chapeau au duo composé par John David Washington (le papa Denzel peut être fier !) et Laura Harrier. J’aimerai évoquer aussi « la bande d’affreux ». Jouer le méchant est un exercice complexe, surtout quand la bêtise humaine (le mot est faible) en est son ADN… Jasper Pääkkönen, Topher Grace, Paul Walter Hauser, Ashlie Atkinson sont convaincants dans leurs rôles respectifs. Et puis, Spike Lee oblige, la bande son est aussi un vrai petit bijou précieux, remarquablement signée notamment par le trompettiste, compositeur et arrangeur de jazz américain Terence Blanchard.

Enfin, un vrai coup de chapeau à la photo et à la manière de filmer les visages notamment. Comme dans ce passage notamment, extrêmement fort, où un leader du Black Power exhorte son public. On est encore dans le début du film… et là Spike Lee va à sa façon et en écho aux paroles prononcées, par l’image, dire et redire la beauté des Noirs et les exhorter à la fierté. Il cadre, isole des visages dans l’auditoire, et les magnifie. Splendides images d’une puissance artistique qui finalement vaut tous les manifestes. C’est alors à ces visages-là que l’on pensera, cette fois-ci à la fin du film, lorsque le réalisateur rappelle les événements de Charlottesville.

Le bonheur est au cinéma cette semaine… cours-y vite !

 

 

Argument du Jury œcuménique lors de la remise de la mention spéciale à BlacKkKlansman au Festival de Cannes 2018 :

Le Jury attribue une mention spéciale à BlacKkKlansman, un cri d’alarme contre un racisme persistant, pas seulement aux États-Unis, mais par-delà le monde. Mêlant humour et effroi, le film condamne l’appropriation perverse de la religion pour justifier la haine.

 

Dossier de presse du Film

ÇA SORT CET ÉTÉ !

Ça y est, c’est l’été ! Et dans quelques jours, les deux mois qui marquent, pour beaucoup, des temps de vacances où le cinéma peut devenir une option bien sympathique. Alors pour vous encourager à envisager de prendre du temps aussi pour découvrir des histoires bouleversantes, des récits drôles ou émouvants, et pour tout simplement vous divertir et vous faire du bien… voici une petite sélection de films qui sortiront en juillet et aout de cette année.

04 juillet 2018

  • Woman at war

Un conte écologique à l’humour décalé.

Film islandais de Benedikt Erlingsson. Prix SACD de la Semaine de la Critique à Cannes

  • Mes frères

Ce film traite des relations particulières entre frères et sœurs, de la maladie et de son rapport au corps, d’une amitié naissante entre deux enfants, d’un souffle de liberté, le tout porté par une BO volontairement très présente.

Film français de Bertrand Guerry

 

11 juillet 2018

  • Dogman

L’un des films qui a marqué le dernier Festival de Cannes, en particulier par la qualité d’interprétation de Marcello Fonte qui lui a valu de recevoir le prix d’interprétation masculine.

Ma critique à lire ic

Film italien de Matteo Garrone

 

  • The Stange ones

Un film noir et troublant qu’on traverse comme un cauchemar à demi éveillé, tenu par une ambiance envoûtante et un duo d’acteurs fantastique.

Film américain de Christopher Radcliff & Lauren Wolkstein

 

  • Paranoïa

Un thriller qui nous plonge dans le quotidien de Sawyer, jeune femme d’affaire ambitieuse, enfermée du jour au lendemain dans un asile psychiatrique contre son gré. La particularité de ce film tient notamment au fait qu’il a été tourné avec un iPhone !

Film américain de Steven Soderbergh

 

À noter la re-sortie en versions restaurées des film Haïr et Bagdad Café

 

18 juillet 2018

  • Come as you are

Grand prix du Jury au Festival de Sundance. Teen-movie provocateur et poignant

Film américain de Desiree Akhavan

25 juillet 2018

  • Vierges

Un récit estival solaire, autour du mythe de la sirène comme une fable fantastique rafraichissante dopée à l’espérance.

Film israélien de Keren Ben Rafael

 

01 août 2018

  • Mission: Impossible – Fallout

Un nouveau Mission: Impossible est toujours un film à voir… et ce genre fait aussi du bien pendant la période estivale. Profitons-en…

Film américain de Christopher McQuarrie

 

  • My Lady

Une comédie raffinée sur le temps qui passe et les secrets de famille, servie par l’excellence de son interprétation.

Film britannique de Richard Eyre

  • Une famille italienne

Une comédie sur le thème de la famille et à l’italienne… rires et émotions au rendez-vous.

Film italien de de Gabriele Muccino

 

08 août 2018

  • Le Poirier sauvage

Le nouveau film de Nuri Bilge Ceylan toujours dans la longueur (3h08) où le cinéaste turc continue de sonder minutieusement l’âme humaine sur fond de paysages saisissants de beauté.

Film Turc de Nuri Bilge Ceylan

 

  • Mary Shelley

Biopic sur l’adolescente britannique du début du XIXe siècle qui allait concevoir le personnage de «Frankenstein».

Film américain de Haifaa al-Mansour

 

15 août 2018

  • Une valse dans les allées

Entre romance et comédie, magistralement interprété, un film tendre et optimiste à ne pas manquer.

Film allemand de Thomas Stuber

 

  • Papillon

Remake du film de 1973 avec Steve McQueen et adaptation cinématographique par là-même du livre présenté comme autobiographique de Henri Charrière.

Film américain de Michael Noer

22 août 2018

  • BlacKkKlansman – J’ai infiltré le Ku Klux Klan

Grand prix du Festival de Cannes et mention spéciale du Jury œcuménique. Un film. Un film coup de poing drôle et bouleversant !

Ma critique à lire ici

Film américain de Spike Lee

 

  • King : de Montgomery à Memphis

Re-sortie du film réalisé en 1970 de Sidney Lumet & Joseph L Mankiewicz qui dresse le portrait du pasteur Martin Luther King, le héraut de la cause noire aux Etats-Unis, assassiné en 1968 à Memphis.

 

  • Le grand cirque mystique

Une œuvre attachante et ambitieuse présentée en séance spéciale au dernier Festival de Cannes, adaptée d’un poème de Jorge de Lima, auteur surréaliste emblématique de la tradition baroque brésilienne.

Film brésilien de Carlos Diegues

 

  • Les vieux fourneaux

Une bonne comédie en cette fin d’été, à ne pas manquer, adaptée de la célèbre BD du même nom dans laquelle Pierre Richard, Eddy Mitchell et Alice Pol cherchent à empêcher Roland Giraud de commettre un crime passionnel !

Film français de Christophe Duthuron

 

  • Alpha

Film d’aventure durant l’ère Paléolithique supérieur… une bande annonce qui fait envie.

Film américain de Albert Hughes

 

29 août 2018

 

  • Burning

Prix du Jury de la presse internationale au dernier Festival de Cannes, Burning est un thriller hypnotique et épuré mais où il faut du temps pour entrer dans l’histoire.

Film coréen de Lee Chang-Dong

BLACKKKLANSMAN

La bombe BlacKkKlansman de Spike Lee a enfin explosé dans les salles du Festival de Cannes… explosion de rires, de colère, d’engagement politique et de sublime cinéma. Ce retour du réalisateur américain était fortement attendu et il ne m’a pas déçu mais au contraire percuté au cœur et ravi. Je vous raconte…

BlacKkKlansman c’est l’histoire vraie et surprenante qui se déroule dans les années 70 de Ron Stallworth qui fut le premier officier de police afro-américain de Colorado Springs à s’être infiltré dans l’organisation du Ku Klux Klan. Étonnamment, l’inspecteur Stallworth et son partenaire Flip Zimmerman ont infiltré le KKK à son plus haut niveau afin d’empêcher le groupe de prendre le contrôle de la ville.

Disons le tout de suite, ce stupéfiant fait divers est une perle précieuse offerte à Spike Lee pour affirmer ses positions politiques et, une fois de plus, combattre le racisme face à face et, plus largement, tout ce qui divise des populations. Mais pour s’y employer le cinéaste mixe avec talent l’humour et la militance.

Humour qui devient parfois ironie ou caricature permettant ainsi de ridiculiser les idées racistes du Ku Klux Klan. Qui se gratifie de « private joke » nombreux ou clins d’œil bien repérables. Mais aussi cette démarche directement politique et militante dopée par une rythmique percussive et redoutablement efficace. On passe de l’éclat de rire au silence profond, des larmes joyeuses à la boule au ventre. Et, par ce biais, ce juste équilibre, l’histoire se déroule naturellement comme cela se produit d’ailleurs dans la vraie vie.

Des séquences viennent aussi s’incruster façon « storytelling » et amplifier la dramaturgie en nous plongeant face à la réalité abjecte de la haine. Je pense notamment là, par exemple, à ce moment où ce vieil homme (incarné par Harry Belafonte, le premier acteur noir à avoir lutté pour les Droits Civiques) raconte à une assemblée de jeunes activistes noirs le lynchage de Jesse Washington, martyr de l’histoire afro-américaine, qui fut émasculé, carbonisé, et pendu à un arbre. Les photos de son corps calciné furent même imprimées et vendues comme cartes postales. Séquence montée admirablement en parallèle avec le discours glacial de David Duke, grand maître du Klan, à ses adeptes établissant un parallèle évident entre cette idéologie (« rendre sa grandeur à l’Amérique », « America first »), et les slogans de campagne présidentielle de Donald Trump façon « Make America Great Again ». Sans spoiler plus qu’il n’en faut, la fin est à ce titre aussi exemplaire avec des images récentes du rassemblement de toutes les factions racistes et suprémacistes américaines à Charlottesville, le 12 août 2017 que précisément Donald Trump n’a que trop honteusement validé.

Très appréciable aussi le questionnement proposé régulièrement autour de  personnage principal, l’inspecteur Stallworth, policier et noir, ce qui paraissait antinomique à l’époque. Comment conçoit-il sa participation à la cause noire. Et d’ailleurs, en suspend, qu’est-ce qu’être noir et américain aux USA ? Tout n’est pas si simple et Stallworth reconnaitra ainsi trouver génial une partie du discours du leader afro-américain Kwame Ture tout en se sentant en profond désaccord sur certains points.

Parlons aussi cinéma… Nous sommes à Cannes ! Et Spike Lee nous prouve encore qu’il demeure un immense réalisateur qui ose encore et toujours. Une cadence incroyable, une maitrise de la caméra et du montage et des acteurs formidables. Adam Driver évidemment (ce n’est pas nouveau !) mais aussi un vrai coup de chapeau au duo composé par John David Washington (le papa Denzel peut être fier !) et la magnifique Laura Harrier. J’aimerai évoquer aussi « la bande d’affreux ». Jouer le méchant n’est pas toujours simple, surtout quand la bêtise humaine (le mot est faible) en est son ADN… Jasper Pääkkönen, Topher Grace, Paul Walter Hauser, Ashlie Atkinson sont tous parfaits dans leurs rôles respectifs. Et puis, Spike Lee oblige, la bande son est aussi immense signée notamment par le trompettiste, compositeur et arrangeur de jazz américain Terence Blanchard.

Vous l’aurez compris, BlacKkKlansman m’a percuté de plein fouet et s’ajoute aux deux coups de cœur de cette première semaine cannoise, Leto et Une affaire de famille (et à un niveau différent Yommedine).