par lucgad | Mai 21, 2016 | Cannes 2016, Cinéma
Il est de bon ton au Festival de Cannes, qu’une élite de journalistes se paye un réalisateur et un film. On prend une posture extrême et la meute suit… Ceux qui ne sont pas du même avis parlent moins fort. Cette année, la victime est Sean Penn avec The last face. Mais, comme je ne suis pas de la meute et que mon avis diverge, alors je vous dis pourquoi j’ai aimé ce film.
Au Libéria, pays d’Afrique ravagé par la guerre, le docteur Miguel Leon (Javier Bardem), médecin humanitaire, et le docteur Wren Petersen (Charlize Theron), directrice d’une ONG, tombent passionnément amoureux l’un de l’autre. S’ils sont tous les deux engagés corps et âme dans leur mission, ils n’en sont pas moins profondément divisés sur les politiques à adopter pour tenter de régler le conflit qui fait rage. Ils devront surmonter leurs clivages et le chaos qui menace d’emporter le pays tout entier – sous peine de voir leur amour voler en éclats…

Oui, j’assume pleinement, The last face m’a ému. L’histoire nous plonge au cœur d’une Afrique en prise avec ces multiples conflits armés et sanguinaires. Si l’occident politiquement est assez peu impliquée ou trop intéressée (c’est parfois un euphémisme), l’aide humanitaire se trouve, elle, confrontée à l’horreur et essaye d’apporter un minimum de solidarité et d’aide médicale sur le terrain et avec les réfugiés. Sean Penn nous parle de ces hommes et femmes qui mettent leurs propres vies en danger, voir en marge, se donnant totalement dans cette mission qu’ils ont choisie sans, non plus, en dresser un tableau idyllique mais en révélant les doutes ou paradoxes qui peuvent se manifester. C’est ainsi, par exemple, qu’est évoqué cette « adrénaline à l’urgence » que ressentent les médecins… ce « besoin de nous » qui pousse à agir mais qui peut aussi devenir une forme de drogue et induire alors un sentiment étrange où la violence devient presque attendue, souhaitée pour pouvoir agir. « Sans guerre il n’y aurait peut être pas de nous » dira ainsi Miguel à Wren. Car, en plus, oui Sean Penn ajoute une romance à tout cela, comme l’aurait d’ailleurs fait n’importe quel réalisateur américain. Mais finalement, n’en déplaisent à ceux qui se gaussent des bons sentiments, on peut aussi aimer là dans ce genre d’endroits.
Au cœur de ce film, comment ne pas être touché par des scènes d’une puissance extrême ? Une césarienne en pleine jungle montrant alors que la vie est plus forte que tout. Qu’elle prend le dessus sur l’abjecte, l’innommable, quand un homme décide de lui donner sa chance. La mort aussi de cet enfant, habituellement plein de douceur et de rires sur le visage, pour protéger son père de ces fous furieux qui ont perdus le sens de l’humain. Scènes d’horreur de massacres mais aussi images d’une grande beauté et musique sublime signée du grand Hans Zimmer. Comment ne pas non plus se laisser toucher et interpeller par le discours final de Wren évoquant les réfugiés ? Ces hommes et femmes, dit-elle, que nous voyons comme s’ils l’avaient toujours été, oubliant qu’ils sont plombiers, mécaniciens, professeurs… des hommes et des femmes comme vous et moi. Et puis il y a des réflexions très intéressantes et subtiles également sur la foi, Dieu et notre rôle dans tout ça. Des phrases qui sonnent justes et percutent comme celle-là que je vous livre en exemple (et traduite en français) : « Souvent pour les enfants le mot amour s’épelle T-E-M-P-S. »

Alors oui, je reconnais que Jean Reno nous a fait rire par quelques répliques un peu caricaturales… que le mélo est parfois facile… mais The last face reste pour moi un film à voir qui peut être profondément utile. Le risque n’étant pas d’ailleurs que le film soit mauvais mais que surtout nous ne devenions insensibles à la souffrance du prochain, si proche de nous, peut-être d’une autre couleur, d’une autre culture (mais pas forcément)… trop préoccupés par nos standards bien établis et notre trop plein d’une impression de savoir extrême et de supériorité mal placée.
par lucgad | Avr 27, 2016 | Cannes 2016, Cinéma
Du 11 au 22 mai, le monde de la culture tournera ses regards vers le sud de la France, et plus précisément Cannes et son 69ème festival du cinéma. Depuis 1974, SIGNIS & INTERFILM, deux associations respectivement catholique et protestante, y organisent le Jury œcuménique, comme dans de nombreux festivals du monde entier, tels que Berlin, Locarno, Montréal, Karlovy Vary, Mannheim, Fribourg…

Invité par le Festival, comme le Jury officiel et celui de la Presse, le Jury œcuménique remettra un prix à un film de la compétition officielle, le samedi 21 mai à 17h, dans le magnifique salon des ambassadeurs du Palais des festivals. D’autres récompenses, sous forme de mentions pourront être aussi données à des films de la compétition officielle, comme aussi de l’excellente sélection « Un certain regard ».
Chaque année, les six jurés internationaux sont renouvelés et choisis en fonction de leurs compétences en matière de cinéma mais aussi de leur appartenance à l’une des Églises chrétiennes et leur ouverture au dialogue interreligieux. Le 43ème Jury œcuménique aura la particularité d’être exceptionnellement très féminin, avec un seul homme au milieu de cinq femmes, ce qui ne manquera pas, sans nul doute, d’apporter un caractère singulier et agréable aux choix qui seront faits. Sa présidence est confiée à la française Cindy Mollaret, qui sera entourée de sa compatriote Nicole Vercueil, et venant du Canada Karin Achtelstetter, des États-Unis Gabriella Lettini, des Philippines Teresa Tunay, et de Côte d’Ivoire, l’homme en question, Ernest Kouakou.

Le Jury œcuménique n’est pas tout à fait comme les autres jurys. Il propose naturellement un regard particulier sur les films. Il distingue des œuvres de qualité artistique qui sont des témoignages sur ce que le cinéma peut révéler de la profondeur de l’homme et de la complexité du monde. Les valeurs de l’Évangile, la dimension spirituelle de notre existence sont des facteurs qui interviennent dans ses critères. Un bel équilibre recherché entre art et sens, maîtrise technique et attention particulière aux questions qui relèvent de la responsabilité chrétienne dans la société contemporaine.
Et puis, le Jury œcuménique à Cannes, c’est aussi toute une organisation, des bénévoles et de nombreux événements autours de son action. Un stand sur le marché international du film dans le Palais des festivals, un site internet « bouillonnant » tout au long des jours de festival, différents moments officiels (rencontre à l’hôtel de ville, dans des événements organisés par des pavillons internationaux, avec la presse, les autorités civiles…) plusieurs célébrations religieuses (messe, culte, célébration œcuménique), une montée des marches officielle avec de nombreux invités, une grosse équipe de cinéphiles qui écrit des fiches sur les films présentés dans le festival. Beaucoup de vitalité et d’enthousiasme qui donnent aussi un caractère particulièrement sympathique à cette organisation.

Enfin, comment ne pas évoquer également cette 69ème édition du Festival. Une sélection qui s’annonce d’ailleurs très intéressante pour le Jury œcuménique avec des thématiques fortes dans de nombreux films et des réalisateurs ayant l’habitude de traiter des sujets de société répondant aisément aux questionnements énoncés précédemment : Asghar Farhadi, les frères Dardenne, Xavier Dolan, Ken Loach, Jim Jarmush, Jeff Nichols, Sean Penn… pour n’en citer que quelques-uns. Également un jury officiel hyper compétent et chic, qui sera mené par le grand Georges Miller, avec autour de lui Arnaud Desplechin, Kirsten Dunst, Valeria Golino, Mads Mikkelsen, George Miller, László Nemes, Vanessa Paradis, Katayoon Shahabi, et Donald Sutherland.
Une quinzaine cannoise qui s’annonce donc sous les meilleurs auspices et pendant laquelle je vous invite à me suivre sur ce blog avec des articles journaliers.
par lucgad | Jan 6, 2014 | Cinéma
· Réalisé par : Ben Stiller
· Avec : Ben Stiller, Kristen Wiig, Shirley MacLaine, Sean Penn, Adam Scott…
· Durée : 1h56min
· Pays de production : Etats-Unis
· Année de production : 2013
· Titre original : The Secret Life Of Walter Mitty
· Distributeur : 20th Century Fox
« En 2014… lancez-vous ! » annonçait la Bande Annonce du nouveau film de Ben Stiller « La vie rêvée de Walter Mitty ». Un slogan en guise de résolutions ou de vœux de début d’année. Ça tombait bien, puisque le film sortait sur les écrans le 1er janvier… Mais alors les résolutions qui tombent à l’eau quelques heures seulement après les avoir prononcées, on connaît tous ! C’est donc peut être une surprise et surtout un vrai bonheur de se retrouver assis sur le fauteuil au centre du cinéma, au moment où le générique de fin défile tranquillement, illustré de quelques photos de ce que je venais de regardais avec délice. Plus qu’un slogan, un pari gagné et une claque de sourires, de sentiments de sérénité, d’optimisme et de la beauté plein les yeux !

L’histoire
Walter Mitty est un héro américain né sous la plume de James Thurber au travers d’une nouvelle parue dans le New Yorker en 1941. Une première adaptation cinématographique sort quelques années plus tard en 1947. Avec Ben Stiller, l’histoire évolue quelque peu afin de rendre l’histoire plus crédible aujourd’hui… Mitty est un homme ordinaire, enfermé dans son quotidien, qui n’ose s’évader qu’à travers des rêves à la fois drôles et extravagants. Mais confronté à une difficulté dans sa vie professionnelle, au sein du magazine LIFE qui est en train de subir la crise de nombreux journaux papier pour passer uniquement en version web (basé sur des faits réels – en 2009), Walter doit trouver le courage de passer à l’action dans le monde réel. Il embarque dans un périple incroyable, pour vivre une aventure bien plus riche que tout ce qu’il aurait pu imaginer jusqu’ici. Et c’est alors que sa vie va changer à jamais.
Rêve ou (et) réalité
Finalement un pitch plutôt simple et gentillet qui va être transcendé par une réalisation et des acteurs remarquables. Ben Stiller est irrésistible mais les seconds rôles autour de lui ne déméritent pas et apportent du crédit supplémentaire. J’évoquais aussi une beauté qui éclate aux yeux et on ne peut passer sous silence la magnifique photographie qui élargit constamment l’écran et, par conséquence, notre réflexion et notre capacité à accueillir l’histoire et s’en imprégner. Enfin, bien sûr, c’est la thématique qui est là derrière l’histoire est qui pourrait être résumé par cette citation attribuée à St Exupéry : « Fais de ta vie un rêve, et d’un rêve, une réalité. » Prendre conscience à nouveau que notre vie ne se joue pas dans le virtuel et l’imagination est sans doute d’une urgence cruciale actuelle dans notre société où justement le virtuel a pris le pas bien souvent sur la réalité concrète. Le virtuel comme le rêve peuvent et doivent devenir des outils pour aller de l’avant, progresser, mais ils ont pour limite justement ce qu’ils sont, ou du moins ce qu’ils ne sont pas… Passer du rêve à la réalité, du virtuel ou réel… tel est le défi qui nous est lancé chaque jour et qui l’est aussi en matière de foi, de piété. C’est là précisément où ce film peut rejoindre une réflexion spirituelle plus large et extrêmement pertinente.
Humour et réalité sociale
Enfin, cette œuvre dans cette adaptation actuelle, permet d’évoquer aussi des problèmes sociétaux de fond quand au management des personnes, au pouvoir de l’appât du gain, à l’évolution des techniques avec ses conséquences directes… et c’est donc avec sourire et néanmoins pertinence, que l’on peut voir derrière certaines scènes des questions graves abordées, scènes qui se jouent principalement dans une sorte de duel qui s’installe entre Mitty et son nouveau supérieur. Je pense entre autre à la bagarre entre les deux acteurs avec pour proie au milieu un bonhomme en latex aux bras étirables… sorte de doudou de Walter, que son supérieur veut lui enlever. Avec l’histoire de Life, le scénario s’inspire en effet de faits réels pour servir de prétexte aux motivations de Walter Mitty, comme s’il fallait sauver la pellicule face à l’arrivée du numérique. Et c’est ainsi d’ailleurs que Ben Stiller a tenu à tourner son film en 35 mm, pour la petite anecdote.

Vous l’aurez compris, cette vie rêvée de Walter Mitty est un bonheur à découvrir et je ne saurai trop vous conseiller de le faire dès maintenant dans l’obscurité bienfaisante d’une belle salle de cinéma plus que, dans quelques mois, sur un écran de télévision qui inévitablement atténuera la beauté de l’image et la remarquable bande sonore (avec Arcade Fire, Of Monsters and Men, The Lumineers et David Bowie) qui accompagne avec brio les mésaventures de Ben Stiller. Et si on vous demande un jour ce qu’est un « bon film », peut-être que la réponse est là, tout simplement… « La vie rêvée de Walter Mitty » !

