Truth be told… rien que la vérité ?

Apple continue de déployer des séries originales pour sa plateforme TV+, en frappant admirablement dans presque tous les genres possibles. Avec Truth be told Octavia Spencer et Aaron Paul se retrouvent dans une quête médiatique et judiciaire

Il y a souvent un fossé profond entre les faits présentés dans une salle d’audience et le récit des mêmes événements par les médias. Un procès a des règles sur ce qui est admissible et sur la façon dont une histoire peut être construite cherchant normalement les faits… rien que les faits. Le récit médiatique peut, par contre, concocter n’importe quel récit librement et transformer un crime banal en un récit extravagant. Si la France n’a pas été trop touchée par ces émissions tv ou radio se construisant sur cette technique du récit criminel, les États-Unis ont eu moult programmes façon podcasts comme Serial ou shows-tv comme Making of a Murderer, avec d’énorme succès d’audience, en particulier dans les années 2010, ce qui a généré un vrai débat sociétal : est-ce du journalisme ou du sensationnalisme ? La série Truth Be Told d’Apple TV+ surfe sur cette vague en cherchant à révéler non seulement le récit d’un crime mais aussi les motivations du podcasteur (de la podcasteuse en l’occurrence) qui le raconte et finit par jouer un rôle déterminant dans son traitement.

La journaliste lauréate du Pulitzer devenue podcasteuse, Poppy Parnell (Octavia Spencer), s’est fait connaître en dressant le profil de Warren Cave (Aaron Paul), un adolescent condamné à perpétuité pour le meurtre du professeur de Stanford, Chuck Buhrman. Sa couverture du jugement à influencé clairement la peine de Cave, le faisant juger comme un adulte. Mais 19 plus tard après la publication d’une vidéo laissant penser que la témoin clé, Lanie Buhrman (Lizzy Caplan, qui joue également le rôle de sa sœur jumelle Josie), a pu être manipulée, elle commence à se demander si elle n’a pas aidé à mettre un homme innocent derrière les barreaux. Poppy est donc tellement accablée par son influence sur le procès qu’elle rouvre l’affaire pour une série de nouveaux podcasts.

Dans le premier épisode de la série, la scénariste Nichelle Tramble Spellman s’efforce d’intégrer de nombreuses intrigues secondaires dans ses 45 minutes introductives. Nous découvrons bien sûr Parnell et l’affaire de meurtre qui l’a rendue célèbre. Nous apprenons également que Poppy et son mari sont récemment revenus dans la région après 20 ans passés à New York, que la mère de Cave (Elizabeth Perkins) a un cancer du sein, que la vie bourgeoise de Poppy contraste fortement avec sa famille, que le père de Poppy semble souffrir de démence et que Cave est devenue membre de la Fraternité aryenne alors qu’il est en prison. Et également que Josie Buhrman s’est cachée et évite tout contact avec sa sœur jumelle Lanie.  Cela donne vraiment au premier épisode l’allure d’un pilote, qui essaie de nous lancer sur diverses pistes qui seront explorées au cours de la série. Heureusement, les épisodes suivants réduisent le champ de vision de chaque épisode à un niveau plus gérable, et à mesure que la série se concentre, elle devient de plus en plus captivante. En dépit de l’aspect dramatique de la série, le cœur de Truth Be Told est véritable feuilleton criminel, plein d’intrigues familiales, d’anciens amants et de squelettes dans les placards. Et, comme tout bon feuilleton, le cliffhanger de chaque fin d’épisode fonctionne parfaitement pour vous donner envie d’en savoir toujours plus. À cela, ajoutez quelques aspects sociaux et raciaux qui apportent un peu de peps, comme cette question de fond : En tant que femme noire, Poppy peut-elle défendre un homme qui fait maintenant partie de la Fraternité Aryenne ?

Une chouette série policière qui montre habilement que les choses ne sont pas toujours ce qu’elles paraissent… et que le traitement de l’information dans le monde médiatique d’aujourd’hui mérite de savoir prendre du recul afin de ne pas être soi-même manipulé. Une série qui ouvre également avec une certaine habilitée, en particulier dans son ultime épisode, à la double question de la vérité et de la justice… Peut-on choisir l’une plus que l’autre ? Les deux peuvent-elles parfois s’opposer ? Et faut-il toujours finalement dire cette fameuse vérité ?… Un dernier épisode en tout cas plein de rebondissements qui conclut avec beauté Truth be told.

 

MES OSCARS 2018

Ce soir, l’académie des Oscars remettra ses récompenses une fois de plus… 90ème cérémonie ! Une année 2017 extrêmement riche cinématographiquement… Humblement et de façon purement subjective, je vous livre, non pas mon pronostique, mais mon palmarès personnel.

MEILLEUR FILM 

Three Billboards : les panneaux de la vengeance

(Même si La forme de l’eau…)

MEILLEUR RÉALISATEUR 

Guillermo del Toro (La Forme de l’eau)

(Même si Christopher Nolan…)

MEILLEUR ACTEUR 

Daniel Kaluuya (Get Out)

(Même si Gary Oldman…)

MEILLEURE ACTRICE 

Frances McDormand (Three Billboards : les panneaux de la vengeance)

(Même si Saoirse Ronan…)

MEILLEUR ACTEUR DANS UN SECOND RÔLE 

Sam Rockwell (Three Billboards : les panneaux de la vengeance)

(Même si Richard Jenkins…)

MEILLEURE ACTRICE DANS UN SECOND RÔLE 

Laurie Metcalf (Lady Bird)

(Même si Octavia Spencer…)

MEILLEUR SCÉNARIO ADAPTÉ 

Bof.. mon enveloppe reste vide

MEILLEUR SCÉNARIO ORIGINAL 

Get Out

(Même si Three Billboards…)

MEILLEUR FILM D’ANIMATION 

La Passion Van Gogh 

MEILLEURE PHOTOGRAPHIE 

Dunkerque 

(Même si La Forme de l’eau…)

MEILLEURE MUSIQUE (bande originale) 

Dunkerque 

MEILLEUR FILM EN LANGUE ÉTRANGÈRE 

The Square (Suède)

(Même si Loveless (Russie)…)

MEILLEUR LONG-MÉTRAGE DOCUMENTAIRE 

Faces Places (Visages villages) un peu de chauvinisme ne fait pas de mal quand même 🙂

RETOUR À LA CABANE

La Cabane est d’abord et avant tout un roman écrit par le canadien William P Young qui, incroyablement pour un livre à thématique chrétienne, est devenu un best-seller assez phénoménal. C’est ainsi, par exemple, qu’il resta sur la liste des best-sellers du New York Times pendant 70 semaines. On peut considérer qu’il est même devenu une sorte de phénomène publicitaire avec des croyants achetant des dizaines d’exemplaires pour les offrir. Publié dans 40 langues et vendu à 22 millions d’exemplaires, il était inévitable qu’un jour La Cabane finisse sur grand écran… Le moment est arrivé, bien que le grand écran se réduise à une sortie DVD dans plusieurs pays dont la France.

Le film, très bien interprété, a un casting plutôt classe avec notamment Sam Worthington (le héros d’Avatar ou, plus récemment l’un des acteurs principaux de Tu ne tueras point) et la géniale Octavia Spencer (oscarisée pour La couleur des sentiments, où plus récemment l’une des Figures de l’ombre). Le film reprend globalement le roman avec quelques adaptations, racontant l’histoire de Mack dont la fille de huit ans est enlevée et assassinée. Cette tragédie l’éteint émotionnellement et cause de nouvelles souffrances dans la famille. Puis, un jour où sa famille est absente, il est invité à rencontrer Dieu dans « la cabane » où la robe sanglante de sa fille avait été retrouvée après son enlèvement. Le reste du film raconte la rencontre de Mack et sa discussion avec Dieu en particulier sur la nature du mal et sur le pardon.

C’est sans doute là, d’ailleurs, sur ces thématiques du pardon, de la guérison intérieure, de notre rapport au mal ou encore des récriminations que nous pouvons faire à Dieu que se situent les vrais intérêts du film. Il devient un excellent support de discussion, de débat. On peut aisément imaginer une utilisation en groupe de jeunes ou même avec des amis pour aborder ces questions difficiles. Autres sujets passionnants que le ciel, l’enfer et le salut et la façon dont nous voyons/imaginons Dieu, comment notre spiritualité, notre piété peut être directement affectée par ces images personnelles. Et là encore, La Cabane peut stimuler la discussion avec des ouvertures multiples et très intéressantes. On pourra souligner justement que les opinions sur ces questions théologiques peuvent diverger, et parfois violemment. Le livre avait déjà à sa sortie susciter de vives critiques de certains milieux évangéliques. Mais, en même temps, pourquoi ne pas y voir là matière à réflexion et support pour confronter avec bienveillance ces opinions. Sur tous ces aspects, comme le livre le permettait déjà, le film sera sans doute d’une grande utilité avec l’avantage de pouvoir être regardé collectivement.

Et puis s’ajoute inévitablement l’aspect émotionnel qui est efficace. Comment ne pas se laisser emporter dans l’histoire qui, d’une façon ou d’une autre, nous concerne tous et vient faire écho à des histoires personnelles ou proches ? Et l’émotion est un élément important dans le visionnage d’un long métrage. Alors sur ce point La Cabane touche là où il faut. Les points forts du film sont donc aussi ceux qui étaient présents dans le livre éponyme.

Mais ce n’est plus simplement un livre à lire, à imaginer… la caméra est passée par là… et il faut donc aussi le dire, La Cabane n’est pas que pure réussite et on peut comprendre que la sortie française se limite hélas à l’édition et la vente de DVD. Une certaine déception générale avec l’observation d’un vrai manque de relief dans la réalisation et le scénario. Il est peut être bon de rappeler que l’adaptation d’un roman sur grand écran nécessite une ré-écriture, et qu’une bonne et belle histoire ne garantit en rien d’un bon film. Occasion aussi de dire ici que dans le cas d’une adaptation cinématographique d’un roman, il est toujours nécessaire de l’aborder avec un certain détachement par rapport au livre sous peine d’être nécessairement frustré. C’est donc ainsi qu’après avoir apprécié le livre je me suis installé devant mon écran de télévision. Mais néanmoins, le ton très « monotone » au sens d’une certaine uniformité globale, une certaine platitude me laisse sur ma faim. Regret d’une absence d’envolées dans les expressions des personnages qui ne sont pas à incriminer directement car enfermés dans un scénario trop gentil et manquant d’audace (qui pourtant était au cœur du livre). Comment, par exemple, accepter qu’une mère venant d’apprendre la disparition de sa petite dernière console gentiment le mari perclus de culpabilité sans que la colère légitime ne vienne s’immiscer, et qu’en plus elle le laisse aller tout seul sans réagir ? Ce n’est bien sûr qu’un exemple mais qui laisse comprendre une fragilité du scénario et de la réalisation. Même la bande son, qui comprend pourtant des titres de Hillsong United, de Francesca Battistelli, Skillet, Lecrae ou NEEDTOBREATHE ne sauve pas cette monotonie et a même tendance à l’amplifier. Vraiment dommage ! Et donc au final un gentil film aux côtés parfois un peu kitch, entre téléfilm et cinéma…

Mais en toute chose, gardons ce qui est bon, alors n’hésitez pas, faite vous votre propre avis et encore une fois, utilisez-le pour ses points positifs sans y chercher le nouveau joyau du 7ème art ! 

 

> DVD en VF vendu au prix de 19,90 € – Sortie officielle le 12 Juillet 2017 – Actuellement en pré-commande

Plusieurs possibilités pour le pré-commander :

https://www.paul-sephora.com/dvd-fiction/4157-la-cabane

https://librairie-7ici.com/12209-dvd-la-cabane.html

 

 

FRUITVAL, LA STATION DE NON RETOUR

Cinq ans, jour pour jour, après les faits réels, sort sur les écrans français l’adaptation du tragique fait divers de Fruitvale Station.

 

Le 1er janvier 2009 au matin, Oscar Grant, un afro-américain de vingt deux ans, est abattu par un policier d’une balle dans le dos à la station de Fruitvale à Oakland, près de San Francisco, dans la confusion d’une bagarre au retour d’une sortie avec quelques amis et sa fiancée pour participer au feu d’artifice du nouvel an.

L’agent de police incriminé, arguant qu’il avait confondu son arme et son taser, a finalement été condamné pour homicide involontaire à deux ans de prison et en est sorti quelques mois après. L’affaire, filmée par les caméras de surveillance du métro, puis le verdict du procès ont déclenché des vagues de protestation, parfois violentes, attisées par les images du drame diffusées en boucle sur les chaînes de télé et sur le web.

Ryan Coogler, jeune cinéaste de vingt sept ans originaire précisément d’Oakland, en a tiré un film, son premier, faisant le choix de raconter les vingt quatre heures qui ont précédé cette tragédie. Cette dernière journée lui permet de nous dessiner le portrait extrêmement attachant d’un jeune noir de San Francisco qui est loin d’être parfait, qui se pose beaucoup de questions sur sa vie, mais surtout qui n’est pas un mauvais garçon, ni un mauvais père. Ce que le réalisateur nous dit là finalement, sans vouloir faire de son travail un film polémique, c’est qu’Oscar ne méritait pas de finir comme cela.

Les faits de société, faits divers ou autres problèmes de fond peuvent nous faire perdre la réalité d’existences individuelles, d’histoires personnelles. Ils ont tendance à nous focaliser sur l’ « angle majeur » du problème mais oublier la personne et sa réalité propre. Ryan Coogler (épaulé à la production par l’excellent Forest Whitaker) fixe précisément sa caméra habilement en contrechamps du récit. Nous retrouvons alors Oscar dans son cheminement personnel, une vie encore brouillonne, avançant par toutes de sortes de détours vers un rêve tranquille : se marier, et d’abord trouver comment acheter la bague. Et on le suit alors avec sa maman qui prie et qui ne veut pas renoncer, on a même envie de l’épauler dans ses combats contre ses « vieux démons » qui tentent de surgir à tout moment… jusque dans cette nuit où la tragédie éclate et bouleverse. Oscar meurt et le film revient à des informations récapitulatives : le policier qui avait tiré a été condamné et a fait très peu de prison. L’affaire a été classée.

 

Voilà un film qui fait mémoire et qui nous donne à réfléchir. C’est d’ailleurs l’un des points forts d’un cinéma contemporain que j’apprécie et qui ne se satisfait pas de simplement distraire ou faire bien, mais qui nous entraine dans une quête personnelle, ne nous délivre pas forcément des réponses mais pose d’importantes questions. Ce film en fait partie et il touche aussi avec force nos émotions. Même avec des parcours bien différents, nous avons tous un peu d’Oscar Grant en nous. Nous ne pouvons rester insensible à sa vie, à ses échecs, à ses bonheurs et à sa fin. Quand les questions de racismes ressurgissent régulièrement dans les médias, quand la peur de l’autre devient un argument ou une arme politique… alors on se dit que des films comme « Fruitvale Station » font du bien et sont nécessaires. Et d’ailleurs plusieurs festivals ne se sont pas trompés et ont déjà remis plusieurs prix élogieux : Grand prix du Jury et prix du public à Sundance, prix du public et de la révélation Cartier à Deauville.

 

Sortie en salle : 01-01-2014

Durée : 85 min

Scénario et réalisation : Ryan Coogler

Production : Forest Whitaker & Nina Yang Bongiovi

 

Avec : Michael B. Jordan, Melonie Diaz, Octavia Spencer, Kevin Durand…