UNE FLEUR DE RÊVE A ÉCLOS SUR LA CROISETTE
La sélection Un certain regard nous donne chaque année de voir de magnifiques œuvres qui méritent très largement que l’on s’y attarde. Le Jury œcuménique a d’ailleurs la possibilité de remettre des mentions sur cette sélection en plus de son prix dans la sélection officielle. Aujourd’hui, dans ce cadre, était présenté La danseuse, le premier film de Stéphanie Di Giusto, avec un très joli casting composé entre autre de Soko, Gaspard Ulliel, Mélanie Thierry, François Damiens et Lily-Rose Depp (la très jolie fille de Vanessa Paradis et Johnny Depp).
La Danseuse est tiré d’une histoire vraie, celle de Loïe Fuller qui a littéralement révolutionné́ les arts scéniques à la Belle Époque. Née dans le grand ouest américain d’une mère américaine et d’un père français, rien ne la destinait à devenir la gloire des cabarets parisiens et encore moins à danser à l’Opéra de Paris. Cachée sous des mètres de soie, les bras prolongés de longues baguettes en bois, Loïe réinvente son corps sur scène et émerveille chaque soir un peu plus. Même si les efforts physiques doivent lui briser le dos, même si la puissance des éclairages doit lui brûler les yeux, elle ne cessera de perfectionner sa danse. Mais sa rencontre avec Isadora Duncan, jeune prodige avide de gloire, va précipiter la chute de cette icône du début du 20ème siècle.
Tendresse, charme et volupté sont des termes qui correspondent à la fois au personnage de Loïe comme au film dans son ensemble. Stéphanie Di Giusto nous transporte dans l’univers de cette jeune fille avec grand talent. Son film, construit classiquement, est néanmoins très touchant, mettant ensemble des éléments clés à la réussite d’un tel projet : Belle histoire, lumière-photo très soignées, des acteurs et actrices tout en justesse, une musique magnifique… des scènes qui restent en mémoire, de la séduction… On se laisse parfaitement prendre au jeu qui se déroule devant nos yeux et on admire en particulier les quelques chorégraphies proposées, que ce soit celles menées par Soko ou celles de la jeune Lily-Rose.
On pense à Chocolat, qui récemment nous racontait la montée et la chute de ce premier artiste de cirque noir à Paris. Cette fois-ci, c’est la danse qui est sur la scène mais les émotions sont là de la même façon. Si les tentations et le vécu sont différents, il n’en demeure pas moins qu’on se brûle vite les ailes quand la gloire se manifeste brutalement et quand la passion est si forte. Les ailes d’un papillon, sans doute là avec Loïe, plein de grâce et de couleurs mais si fragiles dans le même temps.
Un film qui se déguste simplement avec plaisir mais qui permet aussi finalement de réfléchir.
CITATIONS DES CRITIQUES DE L’ÉPOQUE
« Du divin se matérialise. On songe à des visions de légendes, à des passages vers l’Eden. » Paul Adam.
« L’art jaillit incidemment, souverain : de la vie communiquée à des surfaces impersonnelles, aussi du sentiment de leur exagération, quant à la figurante : de l’harmonieux délire. » Mallarmé.
« Le corps charmait d’être introuvable. Elle naissait de l’air nu, puis, soudain y rentrait. Elle s’offrait, se dérobait. Elle allait, soi-même se créant. » Rodenbach.
« Toutes les villes où elle a passé et Paris lui sont redevables des émotions les plus pures, elle a réveillé la superbe antiquité. » Auguste Rodin.
« La flore s’anime et s’humanise. » Roger Marx.
« C’est une clarté qui marche, qui vit, qui palpite, et la chose véritablement émouvante, c’est que toutes ces flammes froides, de ce feu qu’on ne sent pas brûler, jaillit entre deux volutes de lumière une tête de femme, au sourire énigmatique, la tête de la danseuse sur un corps de phosphorescences insaisissables et que les lueurs vives embrasent et transfigurent. » Félicien de Ménil.
« Est-ce une danse, est-ce une projection lumineuse, une évocation de quelque spirite ? Mystère. » Jean Lorrain.