DOGMAN, MORDANT ET TENDRE

Aujourd’hui, 11 juillet 2018, sort sur les écrans français l’un des petits bijoux présentés en compétition, lors du dernier Festival de Cannes. Il y fut d’ailleurs l’heureux lauréat du prix d’interprétation masculine attribué, plus précisément, au comédien principal, Marcello Fonte. Ce film, c’est DOGMAN de l’italien Matteo Garrone, à qui l’on doit déjà pas mal de choses très intéressantes tels que, et dans des genres divers, Gomorra, Reality ou Tale of Tales.

Dogman, c’est l’histoire de Marcello, toiletteur pour chiens discret et apprécié de tous, dans une banlieue déshéritée. Il voit revenir de prison son ami Simoncino, un ancien boxeur accro à la cocaïne qui, très vite, rackette et brutalise le quartier. D’abord confiant, Marcello se laisse entraîner malgré lui dans une spirale criminelle. Il fait alors l’apprentissage de la trahison et de l’abandon, avant d’imaginer sa vengeance…

Matteo Garrone nous propose ici un drame radicalement sombre et désespérant. Le récit s’inspire d’une histoire vraie survenue dans les années 80. C’est une pure tragédie mais qui s’illumine au travers du personnage principal interprété par Marcello Fonte. Un homme bon et bienveillant, qui s’arrange gentiment avec certaines lois mais qui demeure tendre et affectif. Face à lui une brute épaisse, cocaïnomane de surcroit, va lui livrer une véritable guerre psychologique et ultraviolente jusqu’à un dénouement terrible tant concrètement que psychologiquement.

Si d’emblée j’évoque ces deux acteurs, Marcello Fonte et Edoardo Pesce, c’est que leurs interprétations brillent avec force et vibrent d’éloquence et d’émotions. Il se passe vraiment quelque chose sur l’écran qui atteint directement nos entrailles. C’est d’ailleurs ça aussi la force du cinéma… Le récit jouit aussi de la photographie de Nicolai Brüel qui devient une véritable forme de langage, tels des sous-titres qui nous font comprendre une situation, un lieu, une histoire. Ce n’est pas la beauté des paysages mais bel et bien un travail technique et artistique qui permet ce résultat.

Et puis, une autre force du film, tend au fait que Garrone consacre du temps à observer le quotidien peu reluisant, il faut le dire, de Marcello, sur un style qui renvoie clairement à ses illustres modèles néoréalistes transalpins. Ce n’est pas du temps perdu, mais au contraire une épaisseur qui se met en place tranquillement. Le réalisateur scrute les rapports humains et construit son scénario autour de l’éternelle loi du plus fort, à l’image, sans doute, de ces chiens dans la cage qui passent leur temps à aboyer les uns sur les autres, avec agressivité. Et cette métaphore animale va finalement jusqu’au bout, jusque dans un dernier plan qui ouvre à une interprétation politique, tendant vers une certaine dimension nihiliste. Car la véritable violence se situe dans les strates psychologiques, et la menace à considérer est profondément humaine. L’Homme est un chien pour l’Homme, et l’animal devient le témoin de ces actes, dans leur déchaînement à soumettre ou être oppressé.

Matteo Garrone rejoue donc ici, d’une certaine façon, l’histoire de David et Goliath dans ce coin d’Italie délabré et offre un film à la fois impressionnant et touchant.

ÇA SORT CET ÉTÉ !

Ça y est, c’est l’été ! Et dans quelques jours, les deux mois qui marquent, pour beaucoup, des temps de vacances où le cinéma peut devenir une option bien sympathique. Alors pour vous encourager à envisager de prendre du temps aussi pour découvrir des histoires bouleversantes, des récits drôles ou émouvants, et pour tout simplement vous divertir et vous faire du bien… voici une petite sélection de films qui sortiront en juillet et aout de cette année.

04 juillet 2018

  • Woman at war

Un conte écologique à l’humour décalé.

Film islandais de Benedikt Erlingsson. Prix SACD de la Semaine de la Critique à Cannes

  • Mes frères

Ce film traite des relations particulières entre frères et sœurs, de la maladie et de son rapport au corps, d’une amitié naissante entre deux enfants, d’un souffle de liberté, le tout porté par une BO volontairement très présente.

Film français de Bertrand Guerry

 

11 juillet 2018

  • Dogman

L’un des films qui a marqué le dernier Festival de Cannes, en particulier par la qualité d’interprétation de Marcello Fonte qui lui a valu de recevoir le prix d’interprétation masculine.

Ma critique à lire ic

Film italien de Matteo Garrone

 

  • The Stange ones

Un film noir et troublant qu’on traverse comme un cauchemar à demi éveillé, tenu par une ambiance envoûtante et un duo d’acteurs fantastique.

Film américain de Christopher Radcliff & Lauren Wolkstein

 

  • Paranoïa

Un thriller qui nous plonge dans le quotidien de Sawyer, jeune femme d’affaire ambitieuse, enfermée du jour au lendemain dans un asile psychiatrique contre son gré. La particularité de ce film tient notamment au fait qu’il a été tourné avec un iPhone !

Film américain de Steven Soderbergh

 

À noter la re-sortie en versions restaurées des film Haïr et Bagdad Café

 

18 juillet 2018

  • Come as you are

Grand prix du Jury au Festival de Sundance. Teen-movie provocateur et poignant

Film américain de Desiree Akhavan

25 juillet 2018

  • Vierges

Un récit estival solaire, autour du mythe de la sirène comme une fable fantastique rafraichissante dopée à l’espérance.

Film israélien de Keren Ben Rafael

 

01 août 2018

  • Mission: Impossible – Fallout

Un nouveau Mission: Impossible est toujours un film à voir… et ce genre fait aussi du bien pendant la période estivale. Profitons-en…

Film américain de Christopher McQuarrie

 

  • My Lady

Une comédie raffinée sur le temps qui passe et les secrets de famille, servie par l’excellence de son interprétation.

Film britannique de Richard Eyre

  • Une famille italienne

Une comédie sur le thème de la famille et à l’italienne… rires et émotions au rendez-vous.

Film italien de de Gabriele Muccino

 

08 août 2018

  • Le Poirier sauvage

Le nouveau film de Nuri Bilge Ceylan toujours dans la longueur (3h08) où le cinéaste turc continue de sonder minutieusement l’âme humaine sur fond de paysages saisissants de beauté.

Film Turc de Nuri Bilge Ceylan

 

  • Mary Shelley

Biopic sur l’adolescente britannique du début du XIXe siècle qui allait concevoir le personnage de «Frankenstein».

Film américain de Haifaa al-Mansour

 

15 août 2018

  • Une valse dans les allées

Entre romance et comédie, magistralement interprété, un film tendre et optimiste à ne pas manquer.

Film allemand de Thomas Stuber

 

  • Papillon

Remake du film de 1973 avec Steve McQueen et adaptation cinématographique par là-même du livre présenté comme autobiographique de Henri Charrière.

Film américain de Michael Noer

22 août 2018

  • BlacKkKlansman – J’ai infiltré le Ku Klux Klan

Grand prix du Festival de Cannes et mention spéciale du Jury œcuménique. Un film. Un film coup de poing drôle et bouleversant !

Ma critique à lire ici

Film américain de Spike Lee

 

  • King : de Montgomery à Memphis

Re-sortie du film réalisé en 1970 de Sidney Lumet & Joseph L Mankiewicz qui dresse le portrait du pasteur Martin Luther King, le héraut de la cause noire aux Etats-Unis, assassiné en 1968 à Memphis.

 

  • Le grand cirque mystique

Une œuvre attachante et ambitieuse présentée en séance spéciale au dernier Festival de Cannes, adaptée d’un poème de Jorge de Lima, auteur surréaliste emblématique de la tradition baroque brésilienne.

Film brésilien de Carlos Diegues

 

  • Les vieux fourneaux

Une bonne comédie en cette fin d’été, à ne pas manquer, adaptée de la célèbre BD du même nom dans laquelle Pierre Richard, Eddy Mitchell et Alice Pol cherchent à empêcher Roland Giraud de commettre un crime passionnel !

Film français de Christophe Duthuron

 

  • Alpha

Film d’aventure durant l’ère Paléolithique supérieur… une bande annonce qui fait envie.

Film américain de Albert Hughes

 

29 août 2018

 

  • Burning

Prix du Jury de la presse internationale au dernier Festival de Cannes, Burning est un thriller hypnotique et épuré mais où il faut du temps pour entrer dans l’histoire.

Film coréen de Lee Chang-Dong

IL ÉTAIT UNE FOIS… À CANNES

C’est dans l’univers et au travers d’une libre interprétation des contes de Giambattista Basile, que le réalisateur Matteo Garrone présente le premier des trois films italiens en compétition cette année au festival de Cannes.

Il était une fois trois royaumes voisins où dans de merveilleux châteaux régnaient rois et reines, princes et princesses : un roi fornicateur et libertin, un autre captivé par un étrange animal, une reine obsédée par son désir d’enfant… Sorciers et fées, monstres redoutables, ogre et vieilles lavandières, saltimbanques et courtisans sont les héros de ce « Conte des contes » ou en version originale « Il racconto dei racconti ». 

Trois histoires qui s’entrecoupent, se croisent pour nous transporter dans un univers fantastique, surréaliste et épouvantable à la fois. D’ailleurs tout est un peu comme cela dans cette œuvre de Garrone tellement éloignée de ses précédentes réalisations comme Gomorra ou Reality. On passe d’un extrême à un autre constamment tant visuellement que métaphoriquement et le tout avec une superbe photographie et une musique d’Alexandre Desplat toujours aussi sublime et adéquate.

 

Le mot métaphorique est lancé et c’est en effet là tout l’intérêt du film… aller au-delà pour percevoir l’aspect parabolique des événements. Et alors on observe à nouveau des échos se produire naturellement dans l’opposition des genres : laideur et beauté, pouvoir et pauvreté, envie et désintéressement, espoir et folie, apparence et profondeur… avec un fil rouge qui pourrait se jouer entre cœur et métamorphose. Difficile d’en dire plus… si ce n’est vous inviter le 1er juillet (date de sortie annoncée sur les écrans français) à vous laisser tenter par un film différent, dépaysant et osé… à vous laisser chavirer par ce que seuls les contes peuvent véritablement produire.