LETO QUI LIBÈRE…

L’un de mes coups de cœur du dernier Festival de Cannes (reparti hélas et curieusement bredouille de la compétition) sort ce mercredi 05 décembre. « Leto », le superbe film du réalisateur russe Kirill Serebrennikov vous tiendra en haleine du début à la fin, les yeux et les oreilles grand ouverts en suivant la naissance du rock underground dans l’URSS de la Perestroïka.

Nous sommes à Leningrad, au début des années 1980. Les disques de Lou Reed et de David Bowie s’échangent en contrebande, et une scène rock émerge. Zoopark, groupe mené par Mike Naumenko, est sur la scène du club rock de la ville. Mike chante une vie quotidienne sous fond de grisaille sociale et humaine. Dans la salle, les jeunes sont enthousiastes bien que surveillés avec attention par le personnel du club qui les empêche de se lever ou même de se trémousser sur leur chaise. Le cadre est donné… Mike et sa femme, la belle Natacha, rencontrent le jeune Viktor Tsoï. Entourés d’une nouvelle génération de musiciens, ils vont changer le cours du rock’n’roll en Union Soviétique. Bientôt Zoopark verra naitre Kino, un autre groupe avec Victor Tsoi à la voix et la guitare. 

Cette histoire qui nous est racontée, se construit avec l’amour comme toile de fond. Un amour d’une grande pureté se révélant aussi dans une soif de créativité quelque peu naïve mais aussi militante, portée par des références constantes… Lou Reed, T-Rex, Marc Bolan, Bowie, Sex Pistols, The Beattles et compagnie… même Blondie est de la partie.

 

 

Un film d’une immense beauté avec un travail de caméra et de photo léchée comme il faut, offrant un noir et blanc magnifié ponctuellement d’effets graphiques ou de couleurs qui accompagnent des sortes d’interludes façon clips vidéo où réalité et fiction se mélangent et où le fantasme prend le dessus sur l’existant. Car si Leto raconte une histoire de quelques héros romantiques ou/et punks, le film s’élargit généreusement et reflète plus généralement une jeunesse éprise de rock et surtout de liberté, qui n’aspirent qu’à créer et s’aimer. Vient s’ajouter également un narrateur sarcastique qui surgit parfois, tel un joker, au milieu des séquences. Une audace qui ajoute à l’air de liberté et de désordre que la mise en scène éblouissante de Serebrennikov restitue à merveille.

Finalement, je pense que Leto est un film à vivre tout simplement, dans lequel on plonge à corps et cœur perdus… et qui vous transmet une énergie folle et bienfaisante. Si l’histoire nous apprend hélas que Viktor Tsoi est mort en 1990 d’un accident de voiture tandis que Mike Naumenko a succombé à une crise cardiaque l’année suivante., leurs noms demeurent et Leto leur rend un splendide hommage.

LETO… TELLEMENT BEAU

Après l’émotion de « Yomeddine » le coup de cœur de ce début de Festival sera pour moi « Leto » du réalisateur russe Kirill Serebrennikov. Un film qui m’a tenu en haleine du début à la fin, les yeux et les oreilles grand ouverts en regardant cette naissance du rock underground dans l’URSS de la Perestroïka.

Il était venu présenter à Cannes son premier film « Le disciple », mais là avec son deuxième long-métrage, le cinéaste Kirill Serebrennikov se voit privé de vivre la magnifique ovation du public et de la presse, et peut-être même de recevoir un prix dans quelques jours, assigné à résidence à Moscou.

Nous sommes à Leningrad, au début des années 1980. es disques de Lou Reed et de David Bowie s’échangent en contrebande, et une scène rock émerge. Zoopark, groupe mené par Mike Naumenko, est sur la scène du club rock de la ville. Mike chante une vie quotidienne sous fond de grisaille sociale et humaine. Dans la salle, les jeunes sont enthousiastes bien que surveillés avec attention par le personnel du club qui les empêche de se lever ou même de se trémousser sur leur chaise. Le cadre est donné… Mike et sa femme, la belle Natacha, rencontrent le jeune Viktor Tsoï. Entourés d’une nouvelle génération de musiciens, ils vont changer le cours du rock’n’roll en Union Soviétique.

 

Bientôt Zoopark verra naitre Kino, un autre groupe avec Victor Tsoi à la voix et la guitare. C’est cette histoire qui nous est racontée, avec l’amour en toile de fond. Un amour d’une grande pureté se révélant aussi dans une soif de créativité quelque peu naïve mais aussi militante, portée par des références constantes… Lou Reed, T-Rex, Marc Bolan, Bowie, les Sex Pistols, les Beattles et compagnie… même Blondie est de la partie.

 

Un film d’une immense beauté avec un travail de caméra et de photo léchée comme il faut, offrant un noir et blanc enjolivé ponctuellement d’effets graphiques ou de couleurs qui accompagnent des sortes d’interludes façon clips vidéo où réalité et fiction se mélangent et où le fantasme prend le dessus sur l’existant. Car si Leto raconte une histoire de quelques héros romantiques ou punks, le film s’élargit généreusement et reflète plus généralement une jeunesse éprise de rock et surtout de liberté, qui n’aspirent qu’à créer et s’aimer.

Finalement, je pense que Leto est un film à vivre tout simplement… et qui, certainement, aura envoyé une énergie folle dans ce début de quinzaine. Espérons que le Jury y aura été sensible en s’en souviendra… dans une semaine. Enfin, sachez quand même que l’histoire nous apprend hélas que Viktor Tsoi est mort en 1990 d’un accident de voiture tandis que Mike Naumenko a succombé à une crise cardiaque l’année suivante. Mais leurs noms restent et cette histoire leur rend un bel hommage.

 

Leto est prévu dans les salles le 5 décembre 2018. Cochez la date !

OBSCURANTISMES

Si j’ai choisi de mettre au pluriel le titre de cet article, c’est que ce mercredi 23 novembre 2016 sont sortis en même temps deux films très différents sur ce sujet, hélas, toujours d’actualité. D’un côté, « La chute des hommes » de Cheyenne-Marie Carron fait de radicalisation djihadiste, et de l’autre « Le disciple » du cinéaste russe Kirill Serebrennikov qui évoque un fondamentalisme orthodoxe au pays de Poutine.

Après « L’Apôtre » qui évoquait la conversion d’un jeune musulman au catholicisme et « Patries » traitant du racisme anti-Blancs en banlieue parisienne, Cheyenne-Marie Carron, continue d’aborder des sujets d’actualité sensibles loin des grands studios et des subventions possibles, pleinement indépendante et autoproduite. Le résultat, c’est cette histoire qui raconte l’enlèvement par un groupe djihadiste d’une jeune française partie pour un voyage d’étude dans un pays du Moyen-Orient qui n’est pas cité. D’ailleurs l’intérêt n’est pas là, ni dans la réalité des lieux où est tourné le film. Comme je vous le disais, Cheyenne-Marie réalise avec des moyens plus que minimes et elle privilégie ainsi une approche artistique tranchée faite d’évocations franches, d’un minimalisme laissant place au sens et aux émotions.

La grande et belle idée de « La chute des hommes » se situe sans doute dans le choix de travailler en un seul film ce qui est devenu l’un des grands classiques de bons nombres de séries en vogue : raconter une même histoire du point de vue de plusieurs protagonistes, trois en l’occurrence ici. Tout d’abord Lucie, la jolie et naïve étudiante qui vit d’amour et de frais parfums, qui se retrouve plongée dans l’enfer de cet enlèvement et d’une folie meurtrière. Puis c’est avec Younes, chauffeur de Taxi sans le sou qui deviendra malheureusement le « livreur » de l’offrande blondinette aux ravisseurs islamistes, que se comprennent autrement les tragiques évènements. Pour finir, enfin (le film dure 2h20 quand même), avec Abou, l’un de ces djihadistes ravisseurs, lui aussi originaire de France, comme Lucie, et avec lui une dernière compréhension de ce récit troublant et effrayant d’obscurantisme, qui conduit à cette Chute.

Un sujet actuel, difficile mais auquel Cheyenne-Marie apporte une vraie démarche artistique, humaine et chrétienne. Loin des grosses productions qui peuvent certainement nous détendre, « La chute des hommes » est néanmoins un film à voir pour réfléchir et être interpellé. Une démarche pleinement assumée par la réalisatrice tout juste quadra qui confie dans une interview : « Je m’efforce de traiter des sujets qui nous concernent avec honnêteté, vérité, humanité. Je suis un metteur en scène catholique, je regarde le monde avec un regard de chrétienne. J’estime qu’il n’y a pas de sujets réservés ou, au contraire, interdits aux chrétiens. Le monde nous est ouvert. » Et justement, à propos de sa foi chrétienne, il est à noté ce verset de l’Évangile de Jean au chapitre 3, verset 8 qui accompagne l’affiche et l’introduction du film : « Le vent souffle où il veut ». Les raisons de ce choix, Cheyenne-Marie me les a confiées avec ces mots : « Le vent souffle où il veut signifie pour moi, au travers de cette « Chute des Hommes », que la grâce touche qui Elle veut, et il la désire. Mon jeune Djihadiste, verra son destin changé, il renoncera au combat armé, car il entend dans son cœur et son âme, la présence de la Sainte Vierge. Il récite d’ailleurs à la fin le « je vous salue Marie », après avoir été sauvé, et ayant gagné une seconde chance. Lucie, elle, n’aura pas cette chance. Elle sera tuée. »

Des versets bibliques, il y en a à la pelle et même jusqu’à une certaine overdose dans l’autre film du jour « Le disciple ». Overdose est peut-être d’ailleurs le mot qui convient pour exprimer le ressenti qu’impose le personnage principal Veniamin, un adolescent pris d’une crise mystique outrancière où seuls les versets bibliques (pris bien sûr littéralement et hors contexte) dictent ses choix et ses positionnements face aux autres, son école, la société et même sa mère… mais le conduisant aussi paradoxalement dans les bras de nombreux péchés comme la haine, l’orgueil ou plus encore, le meurtre.

« Le disciple » a été présenté à Cannes 2016 dans la sélection Un Certain Regard et il a obtenu le Prix François Chalais, « récompensant un film qui traduit au mieux la réalité de notre monde ». Il est l’adaptation d’une pièce de théâtre intitulée « Martyr », du dramaturge allemand Marius von Mayenburg (pièce que j’avais eu le plaisir de voir et de critiquer artspiin.com/martyr/). Le film finalement, tout en gardant la même base d’histoire, propose une approche très différente, moins artistique et contemporaine mais sans doute plus réaliste et agressive. L’obscurantisme religieux de l’adolescent est omniprésent et même à force agaçant (le mot est faible). Il prêche une morale extrême, absurde et violente. Et à cet excès voulu vient s’ajouter une certaine hypocrisie et complaisance de la communauté adulte… mère, système éducatif, prêtre. Seule contre tous, finalement, Elena, une professeure de biologie et psychologue va avoir le courage de s’opposer à lui, cherchant à lui faire comprendre sa folie, mais elle sera empêchée d’exercer pleinement son métier.

Il faut reconnaître que « Le disciple » est un film fort bien réussi et très adroit avec de magnifiques plans-séquence notamment et une belle restitution de l’ambiance sociétale d’une certaine Russie. Car si la religion est clairement visée, c’est aussi toute une toute une critique socio-politique qui l’accompagne. Tragédie d’un peuple russe agonisant entre les changements de régimes politiques et de croyances, conduisant à des pertes de repères et de cadres pouvant produire ce genre de mécanismes fanatiques divers. Kirill Serebrennikov nous démontre là qu’un illuminé se réclamant d’une idéologie totalitaire, quelle qu’elle soit, peut devenir un véritable détonateur agissant sur la société. Une parabole tristement universelle mais un appel aussi sans doute à réfléchir à nos convictions et notre foi pour ne pas tomber dans ce genre de comportements qui parfois pourtant peuvent se cacher subtilement aussi chez nous.