Prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes, c’est ce mercredi 24 octobre que sort Cold War de Paweł Pawlikowski qui filme, dans un noir et blanc élégant et épuré, les diverses étapes d’un amour extrêmement intense et sauvage, traversant les années et les frontières, de Varsovie à Paris, au cœur de la Guerre froide.
Pendant la guerre froide, entre la Pologne stalinienne et le Paris bohème des années 1950, un musicien épris de liberté et une jeune chanteuse passionnée vivent un amour impossible dans une époque impossible.
C’est d’abord le rendu esthétique que j’aimerai mettre en exergue. Pawel Pawlikowski, dans le prolongement assez naturel de son précédent film Ida, développe une certaine rigueur poétique dans la présentation de son long métrage. Noir et blanc donc, mais aussi format carré avec des cadrages millimétrés et de sublimes lumières qui, en fonction des moments, se veulent plutôt ouatées ou contrastées. Visuellement, on est proche d’une publicité pour un grand parfum ou d’un clip vidéo hyper classe mais pour une durée d’une heure et demie et avec un très joli scénario qui se voit ainsi présenté dans un écrin magnifique.
Et justement, cette histoire s’écrit comme un hymne à l’amour… L’amour qui surpasse toutes les entraves du monde, du pouvoir politique et des frontières avec pourtant cette Guerre froide qui retient, qui sépare, qui écrase. Un amour entre deux artistes interprétés avec style et justesse par deux magnifiques acteurs que sont Joanna Kuligsi expressive et sensuelle et Tomasz Kot, acteur polonais moins connu mais parfait dans son rôle.
En utilisant le terme d’hymne pour parler d’amour, je ne fais que relever ce qui est sans doute l’un des éléments prégnants de Cold War… la musique. Le film tourne autour d’elle comme une danse… elle est au cœur de l’histoire bien aussi évidemment de par la profession des deux amants mais elle accompagne brillamment tout le déroulé du récit. Elle participe même directement au scénario en aidant, comme l’évoque l’actrice Joanna Kulig dans une interview, à construire les personnages. Sublime idée aussi de faire d’une chanson Le Cœur, une sorte de refrain qui revient tout au long du récit et qui décrit la relation des deux protagonistes. Elle est chantée doucement au début, puis se développe dans une autre version, puis une autre…, en parlant de ces deux cœurs qui ne parviennent pas à se rapprocher.
Un beau et bon moment à vivre au cinéma à partir de ce 24 octobre où la dernière réplique du film « Allons de l’autre côté… la vue y est plus belle » peut-être l’expérience à vivre… car avec Cold War de l’autre côté de la toile la vue y est très belle !
Django Reinhardt… un nom qui swingue sans besoin de rajouter quoi que ce soit d’autre. Cette légende de la guitare et du jazz a participé par son talent à donner au peuple du voyage une véritable identité musicale reconnue dans le monde entier. Bienheureuse l’idée de consacrer alors un film à ce musicien pas tout à fait comme les autres. Le réalisateur Etienne Comar se penche sur une courte période de sa vie, au cœur de la Seconde guerre mondiale, qui lui permet par la même occasion d’évoquer cette terrible persécution que les Tziganes ont subit durant cette période sombre de notre histoire.
A Paris en 1943, sous l’Occupation, le musicien Django Reinhardt est au sommet de son art. Guitariste génial et insouciant, au swing aérien, il triomphe dans les grandes salles de spectacle alors qu’en Europe ses frères Tziganes sont persécutés. Ses affaires se gâtent lorsque la propagande nazie veut l’envoyer jouer en Allemagne pour une série de concerts.
Etienne Comar est avant tout l’un des grands producteurs français à succès, parfois scénariste également. À son actif, une vingtaine de films dont Des hommes et des dieux, Les femmes du 6ème étage, Timbuktu ou Mon roi. Avec Django, il fait le pas qui le conduit derrière la caméra en devenant réalisateur de ce partiel biopic consacré à un épisode peu connu de la vie du musicien manouche Django Reinhardt. Zoom donc sur son exil forcé près de la frontière suisse pour fuir les persécutions nazies durant la Seconde guerre mondiale. Dans cette tourmente, Comar nous dévoile le talent de ce musicien génial, au sens étymologique du terme, sachant donner la vie à toute chose dès que ses doigts grattent les cordes de son instrument, et quelque soit d’ailleurs son état de forme ou le contexte autour de lui.
Si la réalisation reste très classique d’un point de vue cinématographique, on pourra apprécier l’intelligence du script par le fait de ne pas chercher à enjoliver les choses à l’excès en voulant à tout prix rendre héroïque l’artiste, qui devient, en quelque sorte, un résistant malgré lui alors qu’il veut simplement se consacrer entièrement à jouer, à composer… et aller à la pêche. La guerre n’étant pas pour lui son affaire mais plutôt celle des « Gadjé ». Dans ce rôle de musicien tourmenté, Reda Kateb trouve un écrin parfait dans lequel il vient prendre place à merveille. Même si physiquement la ressemblance n’est pas vraiment là (comme le soulignera David Reinhardt, petit fils de Django et conseiller sur le film – voir mon interview de David), son implication dans le rôle donne force et caractère au personnage. Côté casting, comment ne pas aussi être frappé par la justesse et la puissance émotionnelle qui se dégage de Bimbam Merstein, dans la peau de Negros, la mère de Django. Actrice pourtant non professionnelle, elle rayonne par l’expression d’une vérité étonnante.
Et puis, coup de chapeau aussi dans le choix fait par Etienne Comar de ne pas caricaturer les Manouches, en choisissant des acteurs cherchant à jouer un rôle… mais d’avoir choisi à l’inverse de travailler dans l’authenticité des personnages, avec là encore des acteurs non professionnels mais tellement vrais. On entre alors dans la réalité terrible de cette part de notre histoire. Car si du côté des nazis les persécutions font rage envers ces « gens différents », nous sommes bien ici aussi en France, et le gouvernement de Vichy choisi alors d’interdire le déplacement de ce peuple qui vit précisément d’abord sur la route. L’horreur de la stigmatisation, du rejet, de la volonté de cloisonner, ce besoin de dicter ce qui est acceptable ou non (le swing est ainsi officiellement banni par les autorités allemandes)… finalement des thématiques anciennes qui font écho à des réalités d’aujourd’hui et qui donnent donc aussi à ce film de trouver un sens bienveillant dans notre contexte actuel.
Enfin, il y a la partition musicale… Filmer Django c’est aussi se confronter à une nécessité de sans-faute dans la bande originale. Et l’on peut dire que le défi est clairement relevé avec brio. On se régale à réécouter le maître rejoué pour les besoin du film par le Rosenberg Trio (Stochelo Rosenberg: guitare lead, Nous’che Rosenberg: guitare rythmique, Nonnie Rosenberg : contrebasse). Stochelo Rosenberg étant considéré comme l’un des meilleurs guitaristes dans cet univers musical, alliant une technique impeccable, de l’élégance et mêlant ainsi virtuosité et émotion. Et enfin il y a bien sûr la scène finale, véritable bijou de ce long métrage… cette somptueuse interprétation du « Requiem pour mes frères tzigane », œuvre oubliée de Django Reinhardt, réécrite par Warren Ellis, et accompagnée par l’affichage des photos des malheureux sacrifiés.
Rencontre avec David Reinhardt, guitariste de jazz et petit-fils de Django Reinhardt, le vendredi 21 avril 2017, à quelques jours de la sortie du film Django, réalisé par Etienne Comar.
Jean-Luc Gadreau et David Reinhardt
Une présentation rapide David
Je suis donc David Reinhardt. Mon père s’appelait Jean-Jacques Reinhardt ou Babik. Il était guitariste, compositeur. C’était l’un des fils de Django.
Comment avez-vous été en lien avec la production de Django ?
Etienne Comar, le réalisateur du film m’a contacté pour m’expliquer la vision de son film. L’idée étant de se consacrer uniquement à deux années de son histoire. Ce fut d’abord une vraie surprise pour moi. J’avais toujours imaginé un biopic sur l’ensemble de sa vie, sans besoin de romancer tellement son histoire et son destin ont été incroyables, hors du commun. Etienne Commar souhaitait d’ailleurs s’inspirer d’un roman Folles de Django. Nous en avons parlé avec mes frères et sœurs en réalisant qu’il n’y avait jamais rien eu au cinéma sur mon grand père. Il y avait eu certes de beaux documentaires, également des projets de long métrage, dont un avec Andy Garcia pour jouer le rôle de Django, mais ils avaient tous avortés. Donc là, on s’est dit que ça valait la peine, ce qui n’empêche d’ailleurs pas qu’un jour un vrai biopic puisse être réalisé.
Que pensez-vous alors du film Django ?
Je l’aime beaucoup globalement. Au départ, j’ai été étonné par l’idée d’Etienne Comar de vouloir travailler avec de vrais Manouches. Pour moi, être acteur c’est un métier et je ne voyais pas comment cela pouvait fonctionner. Mais il était sûr de lui. Et finalement, en regardant le film, je trouve qu’ils sont aussi bons que les acteurs professionnels. Ils sont naturel et physiquement ils ont évidemment la gueule de Manouches, les attitudes, le parlé, l’accent et ça fait obligatoirement vrai ! Je pense que c’est l’un des seuls films où l’on voit des gitans qui ne sont pas des caricatures façon les démons de Jésus. Donc, je suis très content à ce niveau là.
Extrait scène Django dans le camp Manouche
Vous êtes intervenu sur le film ?
Je les ai conseillé sur des aspects culturels. J’ai participé au scénario et je les ai mis en contact avec Alain Antonietto qui est un passionné de la musique de mon grand-père, du peuple Tzigane et du jazz en général, et qui connaît ma famille depuis cinquante ans. À nous deux, on a essayé de gérer cet aspect conseil. J’aime beaucoup plein de choses dans le film. Il y a de belles images et puis mon arrière grand mère, Negros, qui est magnifique. Ce qui me plait aussi énormément, c’est ce choix de mettre en toile de fond la Seconde guerre mondiale et les persécutions des nomades en France. Il y avait eu Liberté de Tony Gatlif mais là on va encore un peu plus loin et je suis content de ça.
Qu’avez-vous pensé de la musique dans le film, étant vous-même guitariste ?
On avait abordé cette question avec Etienne Comar et il m’a expliqué la nécessité de réenregistrer la musique pour des questions techniques et de rendu sonore. Mais il fallait retrouver le même jeu et les mêmes solos que Django. Alors je lui ai présenté les trois meilleurs, qui se rapprochent le plus de la technique de mon grand père, et finalement on a délibéré sur le hollandais Stochelo Rosenberg. J’étais content que ce soit lui car je l’apprécie énormément tant musicalement qu’humainement. Il a du apprendre précisément les solos de Django et a donc réenregistré la musique. Et c’est vraiment pas mal du tout. Et puis il y a le final avec la direction de cette Messe. Je trouve que cette scène de fin est magnifique. Il faut savoir que Django a véritablement dirigé ce requiem dans cette salle là, l’institut des jeunes aveugles, en 1945, et avec le même costume que porte Reda Kateb. Sauf que l’on a juste retrouvé un fragment de la partition qui a été égarée. Donc le compositeur Warren Ellis a du s’inspirer de ce fragment et développer une œuvre très belle, très forte. Cette scène de fin m’a bouleversé avec en plus ces images des internés dans les camps. C’est vraiment très fort ! Il faut savoir aussi que Django était passionné par le classique, le baroque de Bach. Il a eu contact et travaillé avec des guitaristes classiques comme Ségovia, Lagoya ou Ida Presti. Il a plus tard beaucoup écouté Ravel, Debussy, Gabriel Fauré et même après, vers la fin, a découvert Bartok. Il était très attiré par tout ça.
Django Reinhardt
Vous avez peut-être aussi quelques distances sur certaines choses dans le film ?
Oui, quelques retenues en fait, surtout sur les parties romancées. Django, c’est mon grand père et je connais bien son histoire. Je sais qu’elle était tellement remplie que l’on n’avait pas forcément besoin d’en ajouter, mais après c’est la vision du réalisateur et je la respecte. Il fallait une petite histoire romantique… Sinon aussi, Reda Kateb, même si sa performance d’acteur est très bonne, physiquement il ne ressemble pas du tout à mon grand père. Pour le grand public qui ne le connait pas trop c’est pas vraiment gênant mais pour moi, c’est pas pareil. Et puis dans la façon de parler, il a un langage d’aujourd’hui et je trouve que ça décale un peu. On est dans les années 40 et ça fait bizarre. Mais sinon, pour moi, ça va.
Et alors pour vous, comment cet héritage musical a été vécu ?
Mon grand père a eu plusieurs périodes dans sa vie. Il a évolué et a toujours cherché à être à la pointe, à l’affut de ce qui se passait artistiquement. Donc après sa tournée avec Duke Ellington aux Etats-Unis, où il a écouté Dizzy Gillespie, Charly Parker, la naissance du Be-bop, il s’est mis un peu en retrait à Samois-sur-Seine. Il s’est mis à la peinture, il pêchait, il jouait au billard, le temps en fait que ce qu’il avait entendu fasse son chemin en lui. Quand il revient en 1947-48-49, on voit l’évolution jusqu’en 1953, où là il joue vraiment du Be-bop et ça flirte avec le Jazz cool et même aux portes du Hard-bop. Mais cette année-là il meurt hélas précipitamment à quarante deux ans d’une congestion cérébrale.
Django et Babik
Mon père a neuf ans à l’époque et il reprendra la guitare à quinze ans. On est fin des années 50 et le swing est devenu ringard et c’était le Be-bop qui était dans le coup, ce que les jeunes voulaient jouer. C’était le jazz américain… à la guitare, Wes Montgomery, Joe Pass, Tal Farlow, Jimmy Raney. En fait, c’était la continuité de Django 53, et toute la génération de mon père avait logiquement suivi… des guitaristes comme Christian Escoudé, René Mailhes et d’ailleurs aussi Joseph Reinhardt, Nin-nin, le frère de Django, mais aussi Lousson le demi-frère de mon père. Ils avaient tous le regard porté vers les Etats-Unis et ce qui se passait musicalement. On ne jouait plus non plus sur des guitares acoustiques mais ce qui était dans le coup c’était des Harchtop, des électro-acoustiques jazz Gibson. Et mon père s’est lancé là-dedans, avec ses influences Reinhardt.
Babik Reinhardt
Moi, j’ai grandi avec tout ça, avec des tas de musiciens chez nous. Nous vivions en maison et partions sur les routes en caravane juste les mois d’été. J’ai grandi en écoutant à la fois la musique de Django mais aussi tous ces nouveaux styles. Au plus loin que je me souvienne, deux ans, deux ans et demi j’ai toujours eu une guitare dans les mains et je voulais imiter mon père. J’étais attiré par la musique alors que mes frères et sœurs ne l’étaient pas. Et vers l’âge de 12 ans j’ai compris que c’était mon rêve mais qu’il fallait travailler et alors je m’y suis mis. J’ai pris des cours avec le guitariste Frédéric Sylvestre, un très bon musicien et pédagogue qui avait entre autre joué avec Eddy Louiss. Et puis j’ai fait quelques mois de cours à l’école de jazz le CIM, à Paris. J’ai aussi appris avec mon père mais il n’était pas très pédagogue mais il m’a par contre fait écouté beaucoup de musique. Il m’a expliqué la musique en fait. Il est mort un mois avant mes quinze ans. J’étais encore débutant mais on m’a demandé de rendre hommage à mon père et grand-père et je me suis retrouvé très vite sur les plus grandes scènes de jazz dans le monde entier avec des fabuleux musiciens.
David Reinhardt jeune
Ca a été une formation atypique, difficile mais très bonne aussi. J’avais mon trio et on a enregistré plusieurs CD et j’ai fait aussi un DVD pédagogique de guitare manouche.
Et puis un jour vous allez vivre une expérience qui va changer pas mal de chose ?
Fin 2009, je me suis marié avec Lady. Et début 2010, c’était le 100ème anniversaire de la naissance de mon grand père et donc j’ai énormément joué. Je n’étais jamais chez moi, toujours sur la route et en plus j’étais très égoïste avec une vie de musicien et tout ce qui va avec… Ma femme le vivait très mal. Ça a duré deux ans comme ça. Lady avait grandi dans un foyer chrétien. Son père était prédicateur. Elle s’était faite baptisée à l’âge de quinze ans puis s’était éloignée de Dieu. Et c’est là que nous nous étions rencontrés. Mais sa foi était toujours là, en elle.
Lady et David
Et du côté Reinhardt, la foi a-t-elle eu une place auparavant dans la famille ?
En fait ma grand-mère, que je n’ai pas connue non plus, après la mort de Django, a rencontré le Seigneur et s’est faite baptiser. De son côté Django avait la foi mais c’était plus un simple héritage catholique. Par contre, il avait du respect pour ces choses-là.
Et donc c’est compliqué dans votre couple ?
Oui. Lady le vit très mal. Elle frôle la dépression, anorexie, boulimie… elle pleure beaucoup. Et un jour elle se souvient de ce verset de la Bible qui dit que « quand un malheureux crie, l’Éternel le délivre de toutes ses détresses ». Alors, c’est ce qu’elle a fait. Elle est retournée ainsi à l’Église et moi, en un rien de temps, j’ai découvert une autre personne. Elle me parlait beaucoup de tout ça. Moi je vivais à deux cent à l’heure et je ne m’étais jamais préoccupé de Dieu véritablement, de l’éternité. J’y croyais plus ou moins, à ma façon. Il y eu alors curieusement une période où j’ai eu moins de concerts, plus de temps à moi. Je voulais voir où elle allait quand même. Et donc je suis allé à l’Église et j’ai commencé à m’interroger. Et je me suis rendu compte que je n’avais jamais lu la Bible. Je ne pouvais, selon moi, la critiquer que si je la connaissais, et donc j’ai commencé à la lire. Et en la lisant, tout simplement la foi a germé dans mon cœur et j’ai vraiment accepté Dieu. C’était le jour de Noël et comme d’habitude j’avais fait la fête, beaucoup bu et en rentrant chez moi je me suis mis à prier en disant « Seigneur, je ne veux plus de cette vie là ! ». Je lui ai demandé pardon… Je n’ai rien vu, rien ressenti de particulier. J’étais dans ma caravane. Je me suis couché. Et puis j’ai persévéré, fait quelques expériences… ça a duré quelques jours. Je ne comprenais pas trop que rien ne se passe. Et un dimanche je suis allé au culte et j’ai vraiment fait là une expérience formidable. J’ai ressenti que Dieu me parlait et ça a été pour moi ce que Jésus appelle la « Nouvelle naissance ».
Musicalement, ça a eu des conséquences ?
Non au départ pas vraiment. C’était mon boulot. Alors oui, j’ai changé de comportement mais je continuais tranquillement les concerts. Jusqu’au jour où j’ai senti le besoin de me rapprocher d’autres chrétiens. Je ne voulais pas obéir à un mouvement quelconque et avoir de la pression, mais naturellement Dieu, là encore, a dirigé les choses, nous a donné de vivre diverses expériences dont la joie de la naissance de nos jumeaux alors que nous n’arrivions pas à avoir d’enfants depuis cinq ans, et aujourd’hui ma musique s’accompagne de mon témoignage, du partage de ce que je crois. Je peux jouer partout mais ma façon de fonctionner est claire et donc je travaille surtout avec des communautés chrétiennes tout en continuant d’enseigner et de faire des master-class.
La La Land, c’est la sortie dont tout le monde parle, programmée pour ce mercredi 25 janvier en France (mais déjà depuis plusieurs mois aux Etats-Unis) mais surtout fraichement auréolée de 7 Golden Globes annonciateurs eux-mêmes vraisemblablement d’une nouvelle pluie de récompenses lors de la très prochaine cérémonie des Oscars. Mais point d’exagération dans ce battage médiatique, la nouvelle réalisation du très doué Damien Chazelle qui nous avait déjà émerveillé avec Whiplash en 2014, est véritablement une petite merveille du genre.
Au cœur de Los Angeles, une actrice en devenir prénommée Mia sert des cafés entre deux auditions. De son côté, Sebastian, passionné de jazz, joue du piano dans des clubs miteux pour assurer sa subsistance. Tous deux sont bien loin de la vie rêvée à laquelle ils aspirent… Le destin va réunir ces doux rêveurs, mais leur coup de foudre résistera-t-il aux tentations, aux déceptions, et à la vie trépidante d’Hollywood ?
Quatre saisons pour raconter une histoire d’amour entre deux artistes… un pitch qui pourrait laisser songeur. Et pourtant ! C’est bien le prétexte à une magnifique histoire mise en image, en mouvement et en musique par Damien Chazelle. Vous le savez sans doute, ce La la Land est une comédie musicale. Mais réduire ce film à ce qualificatif serait une pure sottise. En même temps, comment ne pas commencer par cela car ça faisait un sacré bail que nous n’avions pu voir une telle proposition en matière de Musical. Chazelle nous téléporte dans l’univers des plus belles que le cinéma ait pu nous proposer… Singin’in the Rain, New York New York, Broadway Melody, Un Américain à Paris ou les Parapluies de Cherbourg sont inévitablement dans les esprits. Mais il réussit la prouesse de nous emporter plus loin en en faisant un film contemporain où les thématiques sont aussi valables aujourd’hui. Et dans la même dynamique, précisons que La la land est tourné en cinémascope, ce format extralarge qui était tant en vogue dans les années 50 et 60. Et dans le même temps il mêle un très haut niveau de technicité et un sentiment de naturel absolu porté par une photo sublime rappelant d’ailleurs très fortement l’univers de Whiplash.
Alors on danse, on chante évidemment comme dans toute comédie musicale, mais on joue aussi et on raconte une très belle histoire d’amour, contrariée bien sûr mais sublime et attendrissante, celle de Mia, la jeune comédienne et Seb, le pianiste de jazz frustré. Ils se croisent et se recroisent sans le savoir avant de tomber amoureux malgré eux. Ils partagent des rêves en commun mais ont aussi des rêves séparés et séparant. Mais l’amour n’est-il pas justement une opportunité pour les deux formes de projets ? Et l’amour peut-il y survivre ? Tant de questions au cœur de l’histoire mais plus simplement au cœur de la vie. La La Land est un film très juste sur l’amour, sa naissance, sa floraison, ses épreuves, ses risques. Jamais mielleux ni cynique, il navigue aisément dans cet entre-deux émotionnel avec raffinement. Et sans spoiler quoi que ce soit, il est agréable de reconnaître que la fin, ni tragique ni triomphante, ressemble elle aussi si souvent à la vie. J’évoquais des thématiques d’aujourd’hui encore, c’est par exemple aussi le cas plus largement avec cette réflexion sur ces moments de la vie où tout semble possible encore, parce qu’on a la foi, l’envie d’y arriver, parce que des rêves nous habitent, mais qui viennent peu à peu rencontrer la nécessité du choix, de l’engagement, voire même des compromis avec la réalité.
Et pour incarner Mia et Seb, Damien Chazelle a tiré le gros lot avec Emma Stone et Ryan Gossling qui forment un duo tout à fait remarquable et impeccable dans ce film intemporel. En effet cette modernité mêlée d’une couleur vintage apporte un charme particulier aux personnages. Pour ce qui est du jeu des deux acteurs, que pourrait-on ajouter ?… On touche à la perfection où la direction de Chazelle n’y ait sans doute pas pour rien. Un duo qui n’est pas une première mais dont on ne se lasse pas… tant la symbiose parfaite des acteurs crève l’écran.
Enfin, il y a le son… la musique… et le jazz en particulier, un style qui semble par ailleurs coller à la peau du réalisateur américain. La La Land nous régale en la matière. Pas étonnant que la BO du film soit en tête des charts aux Etats-Unis. L’homme de la BO c’est précisément Justin Hurwitz qui avait également participé à celle de Whiplash. On y retrouve différents styles avec des chansons interprétées par les deux acteurs principaux, Emma Stone et Ryan Gosling dans le pur esprit Comédie Musicale façon Michel Legrand. Et là comment ne pas s’amuser à remarquer que ces parties chantées s’intègrent parfaitement à l’intrigue et arrivent avec un tel naturel qu’on trouverait presque normal de pousser la chansonnette en pleine rue. Viennent s’ajouter quelques instrumentaux de jazz, dont plusieurs morceaux au piano ainsi que la chanson Start A Fire du musicien de RnB, John Legend qui participe également au film en jouant son propre rôle et en interprétant ce titre. Un morceau qui pourrait bien lui valoir l’oscar de la meilleure chanson originale comme en 2015 avec Gloria dans Selma. On se régale donc de musique mais on en parle aussi. Et à ce propos, une scène savoureuse à ne pas rater… ce dialogue entre Mia et Seb sur le jazz et cette énervante habitude de le cantonner à une simple musique d’ambiance pour soirées huppées.
Je suis tombé sous le charme, vous l’aurez compris… conquis par la grâce de ce feel-good movie d’une fraîcheur et d’une beauté immense. Feel-good movie n’étant pas un gros mot, il convient parfaitement à La La Land, car on se sent bien pendant et après. Alors pourquoi s’en priver ?
C’est avec bonheur que le Festival de Cannes 2016 s’ouvre avec Café Society, le nouveau Woody Allen, octogénaire toujours actif et performant. Aucune pression pour le maître comme, il se doit, puisque le film est, comme toujours, hors compétition. On y va pour le plaisir et pour entrer on ne peut mieux dans la quinzaine cannoise, qui malgré la grisaille du ciel s’éclaire par le génie du maitre new-yorkais.
Café society démarre à New York, dans les années 30. Coincé entre des parents conflictuels, un frère gangster et la bijouterie familiale, Bobby a le sentiment d’étouffer ! Il décide donc de tenter sa chance à Hollywood où son oncle Phil, puissant agent de stars, accepte de l’engager comme coursier. À Hollywood, Bobby ne tarde pas à tomber amoureux. Malheureusement, la belle n’est pas libre et il doit se contenter de son amitié́. Jusqu’au jour où elle débarque chez lui pour lui annoncer que son petit ami vient de rompre. Soudain, l’horizon s’éclaire pour Bobby et l’amour semble à portée de main. Mais…
Woody Allen, avec son 46ème film, continue à nous faire du bien avec tellement de talent. Il y a en effet de la beauté dans Café society tant dans l’image que dans l’ensemble de ce qui fait cette histoire. La photo de Vittorio Storaro (le directeur photo du « Dernier Empereur » et de « Little Buddha ») d’une immense qualité, chaude à souhait, nous restitue l’ambiance des années 30 et apporte une douceur particulière. Le mot qui me vient à l’esprit en sortant de séance presse est « charmant ». Une belle histoire d’amour, pas toujours simple mais pas alambiquée non plus, se déroule devant nous portée par des acteurs merveilleux (Kristen Steward, Jesse Eisenberg, Blake Lively, Steve Carell…) et la voix de Woody en récitant « so smart ». L’humour est évidemment très présent, du moins une subtilité délicieuse qui accompagne presque chaque scène. Et puis, il y a le jazz… incontournable et créateur d’une ambiance unique.
Enfin, comme on aime être « spirituel » sur ce blog, comment ne pas évoquer un dialogue succulent où se trame une comparaison burlesque entre judaïsme et christianisme. Et c’est l’espérance d’un devenir après la mort qui fait la différence et pousse le frère de Bobby à changer de religion juste avant de passer par la chaise électrique, ce qui désole profondément Rose sa mère, soit dit en passant, constatant amèrement par la même occasion que cela apporterait sans doute d’avantage de clients si les choses étaient autrement !
Alors courrez vite voir Café society et soyez ainsi à l’heure de Cannes, puisque le film sort sur tous les écrans aujourd’hui. Pour ma part, et avec le Jury œcuménique, le travail commence et les films cette fois-ci en compétition arrivent dès ce soir… et je vous retrouverai là chaque jour pour vous en parler.
Mais encore, une fois, quelle bonne idée de commencer ainsi. On se sent bien, et c’est plutôt bon pour la suite !
The place, Billie, Drunk, Michel-Ange… Toute l’actualité ciné avec Jean-Luc Gadreau, journaliste et blogueur.
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NOUVEAU ! « Je confine en paraboles »
Chaque jour à 7h45 , pendant ce temps de confinement, je vous propose ma minute-vidéo « Je confine en parabole »… histoire de bien démarrer la journée.
Que celui qui a des oreilles…