CÉSAR, LUCY… MÊME COMBAT ?

Avoir vu à deux jours d’intervalle l’épisode 2 de la nouvelle saga La planète des singes : l’affrontement et le retour de Besson derrière la caméra avec Lucy me permet de vous proposer une mise en perspective de ces films. Loin de moi l’idée de partir dans une envolée philosophique mais juste d’observer quelques points communs, propositions de réflexion et sensations personnelles après avoir expérimenté ces deux moments bien agréables assis dans mon fauteuil confortable au CGR de Fontaine le Comte.

C’est d’ailleurs sans doute sur ce point précisément que commence cette mise en perspective. Voilà deux films véritablement divertissants. Au cœur d’un été où les infos du monde ne sont pas des plus rafraichissantes, pouvoir mettre en parenthèse quelques instants tout cela, se laisser porter simplement par les images, la musique, une histoire… tout en se permettant le luxe de réfléchir un peu quand même si on le veut… ça fait du bien ! Luc Besson d’ailleurs le rappelait dans une interview de son imposante promo : « Pour moi, le cinéma, c’est avant tout du divertissement ! » Alors oui, bien entendu, Besson une fois de plus a commencé et va continuer à se faire laminer par les critiques en tout genre et autres savants et philosophes du septième art, mais qu’importe après tout, il n’en a pas grand chose à faire à vrai dire.

Au cœur de ces deux histoires, il y a bien sûr la question de l’évolution. Comment l’être humain avance, progresse ou se détruit lui-même ? Une leçon très forte de ce deuxième opus de la Planète des singes nous laisse à penser que finalement, même en repartant à zéro, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Les singes s’humanisant ne feront hélas pas mieux. La violence, l’attrait du pouvoir, la manipulation, le mensonge, la trahison sont toujours bel et bien présents et entrent inlassablement en opposition avec des restes d’amour, de fraternité, de pardon. L’affrontement finalement n’est pas forcément là où on pense, en tout cas pas juste entre hommes et singes mais en interne dans chacun des camps également. Alors une espérance active demeure, qui passe par la transmission familiale, par le rôle de la communauté, par la mémoire et la capacité à faire confiance malgré tout. Elle laisse envisager une issue favorable possible mais toujours en tension malgré tout jusque, même, dans le dernier regard de César.

Avec Lucy, cette évolution de l’être humain (qui là s’expérimente à partir d’un projet sombre de drogue de synthèse et de plus de façon accidentelle) déclenche d’avantage de sourires. Luc Besson n’y va pas dans la demi-mesure, c’est le moins que l’on puisse dire. Au travers de cette Lucy contemporaine, c’est un véritable voyage dans le temps qui nous est même un instant proposé… jusqu’ à un face à face avec la Lucy préhistorique ! On a même le droit à une réécriture de la Création d’Adam de Léonard De Vinci où Adam prend les traits de Morgan Freeman et Dieu ceux d’une Scarlett Johanssométamorphosée en Imac version 50.0 ! Et oui, quand je vous dis que la subtilité n’est pas forcément son point fort (mais une fois encore, l’objectif n’est pas là… et tout ça est plutôt drôle et bien fait !). La progression de l’humanité passerait par une capacité à utiliser d’avantage les capacités qui nous sont offertes dès le commencement. Dépasser ces fameux 10% de notre cerveau utilisés… Alors, oui, impressionnant tout ça. Perception, intelligence, rapidité, pouvoir. Je crois que rien est oublié. Et la magnifique Scarlett, déjà copieusement gâtée par la nature et par la mise en image de Besson, devient une superwoman qui ferait pâlir l’égérie féminine de DC Comics. Mais dans le même temps, tout cela est bien inquiétant quand même et pose la question de l’intérêt véritable d’une telle évolution (même sans aller jusqu’à ce qui nous est proposé au final).

Et si, finalement, la conclusion de ces deux regards cinématographiques devenait, au delà de l’importance de se détendre un peu, une invitation à réinvestir déjà nos relations humaines, nos capacités actuelles. Ni chercher à repartir à zéro, ni se projeter dans un décuplement de nos capacités (car sans doute « l’humanité n’est pas encore prête à ça » comme le souligne le magnifique Morgan Freeman), mais déjà se préoccuper de l’aujourd’hui et de notre réalité. Travailler sur nos points forts, combattre tous les extrémismes qui tendraient à prendre le pouvoir ou les pouvoirs par ruse ou manipulation façon Koba ou par instinct mafieux comme ce chef de gang de narcotrafiquants coréens… tant de boulot déjà à faire !

Notre qualité d’être humain (ou de singe) est même alors en jeu… comme le soulignera magnifiquement César à Koba : « Singe tue pas singe… mais tu n’es pas un singe ! »

Hum, hum… qui aurait cru que l’on pouvait autant réfléchir après avoir vu ces deux blockbusters ?

 

NEBRASKA

Imaginez un membre âgé de votre famille vous annoncer qu’il vient de gagner le gros lot à la loterie de son catalogue de VPC favori, et qu’il part donc chercher son lot de l’autre côté du pays. Voilà le pitch de Nebraska, le dernier film d’Alexander Payne, présenté et vu pour moi à Cannes le 23 mai 2013. Et je dois vous avouer, ce fut mon véritable coup de cœur de ce dernier festival. Voici donc le moment, à l’occasion de sa sortie en salles, de vous en dire quelques mots.

Voici l’argument du film : Un vieil homme, persuadé qu’il a gagné le gros lot à un improbable tirage au sort par correspondance, cherche à rejoindre le Nebraska pour y recevoir son gain… Sa famille, inquiète de ce qu’elle perçoit comme le début d’une démence sénile, envisage de le placer en maison de retraite, mais un de ses deux fils se décide finalement à emmener son père en voiture chercher ce chèque auquel personne ne croit. Pendant le voyage, le vieillard se blesse et l’équipée fait une étape forcée dans une petite ville en déclin du Nebraska. C’est là que le père est né. Épaulé par son fils, le vieil homme retrace les souvenirs de son enfance.

Je dois vous avouer que, lors des première minutes du film, je suis resté un peu dubitatif… en attente. Je n’avais rien lu sur le film, et je venais donc tout frais, sans à priori quelconque. Et tout commence donc avec la découverte de ce personnage joué par Bruce Dern. Une « gueule »… un papi désagréable et paraissant tout proche d’un début de sénilité. Le temps risquait d’être un peu long pour moi… ça arrive parfois dans les festivals. Mais que nenni  !  Bien au contraire… avec lui commence alors un vrai voyage. Bien réel sur la route en direction du Nebraska, mais aussi, de façon subtile et plein de tendresse, dans la vie de ce personnage, son histoire et dans celle d’une relation père-fils ayant fortement besoin d’être restaurée. Sur cette route en Noir et Blanc, d’autres personnages sont croisés, des histoires du passé remontent à la surface, des ressentiments apparaissent, des choses se règlent, des noeuds se dénouent… la vie passe.

Si le point de départ de l’histoire semble assez peu porteur et si un risque d’approche larmoyante, voire pathos existe forcément avec ce genre de scénario, Alexander Payne ne tombe pas dans le panneau. Il manie avec justesse les astuces du scénario. Il choisit l’élégance du N&B et offre une photo remarquable. Et par-dessus tout, à la tendresse des personnages il y ajoute une bonne dose d’humour du début à la fin, et même dans les moments les plus improbables de l’histoire. L’ensemble forme alors un délicieux objet cinématographique qui ne se tarira pas au fil des années et qui risque même de se bonifier comme un bon vin, j’ose prendre le pari !

Et puis comment ne pas évoquer aussi tout ce qui se joue humainement tout au long de ce road movie, qui devient petit à petit une vraie parabole pour aujourd’hui. J’évoquais la restauration d’une relation père-fils malmenée jusqu’à ce jour. C’est manifestement l’un des grands thèmes de ce film. Et c’est en étant en route ensemble que Woody Grant et son fils cadet vont enfin apprendre à se connaitre et peut-être même à se comprendre. Les apparences sont en effet souvent trompeuses mais le vernis s’est parfois tellement incrusté sur plusieurs couches que ce qui est en-dessous a bien du mal à réapparaitre… surtout si, en plus, les autres autours en rajoutent en vous figeant dans des stéréotypes dégradants… Et puis, faut-il encore profiter des occasions qui se présentent à nous, ces portes qui s’ouvrent soudainement nous permettant de changer l’histoire, c’est ce que David Grant saura faire… seul contre tous les autres et peut-être même contre lui-même. Et enfin, même s’il ne figure pas au générique, il y a aussi un autre « acteur » immuablement présent tout au long de ce récit. C’est le temps… ce temps qui s’écoule inexorablement et qui nous conduit, nous pousse à faire des choix et à subir ou traverser les conséquences qui en découlent. On parle parfois de « feel-good movie »., de façon un peu péjorative… Nebraska aura été pour moi un « feel-very-good movie »… et ça c’est drôlement bien, et ça vaut tout les gros lots du monde !

Un (vieux) père (un peu fêlé)  avait deux fils (et une femme peu engageante). Un jour il voulut prendre la route (vers le Nebraska, coute que coute)… et son fils cadet fit ce chemin avec lui…

LA VOIX DE L’AMOUR

« Her », le dernier film de Spike Jonze avec Joaquin Phoenix et la voix de Scarlett Johansson, est sorti au cinéma mercredi 19 mars. Une histoire d’amour totalement étonnante entre un homme et un programme informatique. 

L’histoire se déroule dans un futur proche. On imagine facilement donc une évolution des tendances actuelles où les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle est en plein essor. Et justement, tout commence avec une innovation technologique et la mise sur le marché d’un nouveau programme informatique, un système d’exploitation… une sorte de Siri (la voix de l’iphone !) développé et intelligent. Theodore (joué par Joaquin Phoenix), un artiste des mots (il travaille pour un site proposant d’écrire à votre place des lettres d’amour ou autres missives familiales. Une situation créant un paradoxe criant dans cette histoire entre le son et l’écrit… entre les nouveaux moyens de communication et les anciens qui deviennent presque de l’art), un gentil romantique passant par une phase de déprime et de solitude au seuil d’un divorce extrêmement douloureux, choisit de tenter l’expérience… il opte pour une voix féminine… ce sera celle de Samantha, sensuelle et drôle à la fois, interprétée par Scarlett Johansson… et là la « love story » commence ainsi.

 

Beaucoup de critiques ont déjà était écrites sur ce magnifique film. Et personnellement, je vous recommande celle de mon ami Vincent Mieville sur son blog. Inutile donc pour moi de redire les mêmes choses, arrivant un peu en retard sur le sujet. Mais juste envie donc d’exprimer là un ressenti à la sortie de cette séance. Celui d’un moment de bonheur simple et agréable. Oui, ce film m’a fait du bien !

Il faut vous avouer que je suis très sensible à la voix. À la fois de part le travail que j’ai pu et fais encore avec, de part la formation que j’ai pu avoir (avec plusieurs professeurs de diction, théâtre, communication et chant qui ont eu un fort impact en moi) et peut être aussi tout naturellement par une sensibilité personnelle. C’est pourquoi justement, j’apprécie autant la radio et prends autant de plaisir à en faire encore, à chaque fois que l’occasion et la disponibilité se présente. Aimer une voix qui devient présence et absence en même temps… partager avec elle, cheminer paisiblement, réfléchir à la vie… C’est l’expérience de Théodore et celle aussi finalement de Samantha, avec des spécificités particulières qui apparaissent tout au long du film et ce jusqu’à un rebondissement retentissant que je me préserverai de vous dévoiler.

Un film très riche à différents niveaux : Esthétisme de la photo, qualité des dialogues, scénario extrêmement original, musique (avec la présence du groupe Arcade Fire entre autre) et jeu d’acteur formidables et à propos. Mais aussi par les thématiques abordées directement ou de façon plus suggestives : les relations humaines, l’individualisme (tellement fort ces scènes de rues où chacun marche parlant à son OS… une foule plein d’individus solitaires… avenir ou déjà présent ?), le sens profond de l’amour, le respect de l’autre (qui peut aller jusqu’à l’effacement…) et bien sur l’évolution de la société technologique. Que de richesses ! Alors, comme rien n’est jamais parfait… on pourrait éventuellement trouver parfois le temps un peu long au milieu du film. Ce ne fut pas mon cas personnel, mais cela peut s’envisager et s’entendre, sans doute à cause du rythme et de l’évolution tout en douceur de la relation entre Théodore et Samantha.

Ah, au fait… Théodore dans son étymologie signifie « don de Dieu ». Une idée intéressante à garder en tête, sans aucun doute, pour découvrir ce film d’amour, pas comme les autres.