SURVIVRE APRÈS LA MORT

En produisant « Cœurs ennemis » Ridley Scott et le réalisateur britannique James Kent adaptent le best-seller international « Dans la maison de l’autre » [The Aftermath] parut en 2013. Un récit qui nous plonge dans une partie de l’histoire de la seconde guerre mondiale bien méconnue : le Hambourg totalement en ruine de 1946, où les mêmes personnes qui ont rasé la ville se retrouvent à vivre parmi les survivants pour leur venir en aide et reconstruire. Un décor qui prend sens tout particulièrement en devenant la métaphore constante de l’histoire qui de déroule sous nos yeux, faite d’amour, de pardon, de trahison, mais aussi et surtout de blessures, de non-dits et de choix à faire.

Synopsis : Hambourg, 1946. Au sortir de la guerre, Rachel rejoint son mari Lewis, officier anglais en charge de la reconstruction de la ville dévastée. En emménageant dans leur nouvelle demeure, elle découvre qu’ils devront cohabiter avec les anciens propriétaires, un architecte allemand et sa fille. Alors que cette promiscuité forcée avec l’ennemi révolte Rachel, la haine larvée et la méfiance laissent bientôt place chez la jeune femme à un sentiment plus troublant encore.

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On n’éteint pas un traumatisme comme si on éteignait une lumière. Les vieilles blessures laissent des cicatrices. Les pertes d’il y a longtemps peuvent déclencher de nouvelles larmes. Et les guerres ne finissent pas proprement quand un armistice est signé. Pour certains, les batailles continuent… Ce sont les nombreux points qui ressortent de Cœurs ennemis, un film d’une grande richesse tant visuelle, émotionnelle que thématique. Des performances déchirantes ponctuent ce film littéraire et sophistiqué avec, en particulier, une performance tout en nuances de l’actrice Keira Knightley qui, pour la seconde fois, joue l’épouse de Jason Clarke après l’avoir déjà été précédemment dans Everest. On assiste à un subtil voyage émotionnel joué à la perfection par une distribution remarquable qui apporte de la profondeur et du naturel à des personnages complexes. Mention toute spéciale pour le rôle secondaire mais fondamental de la fille de l’architecte allemand Stephan Lubert, Freda, interprétée admirablement par l’actrice Flora Thiemann, qui avait à peine 14 ans quand elle a été choisie pour ce rôle.

Avec Cœurs ennemis, on découvre les conséquences multiples d’une guerre sur une ville, un peuple et des familles. Et c’est un peu alors comme si l’on feuilletait un manuel de psychologie dans sa forme la plus captivante. Pour l’actrice Keira Knightley, le scénario livre l’histoire intime d’une femme qui, après un évènement terrible, cherche le moyen de se reconstruire et d’avancer vers un avenir meilleur, quitte à rompre avec son passé et transgresser l’ordre établi. Mais, c’est aussi pour elle un film avec un message plus large sur le pardon, la compassion et l’importance des rapports humains. On peut aussi retrouver dans l’histoire de ce couple des différences assez « classiques » de ressentis face au malheur, suivant que l’on soit notamment un homme ou une femme… de Mars ou de Vénus diraient certains… et comment les non-dits, l’enferment dans sa grotte, les difficultés de communications peuvent rapidement être comme des bombes qui tombent sur une ville et détruisent tout sur leurs passages.

Car dans Cœurs ennemis, le réalisateur James Kent profite de la situation de ruine de Hambourg et la complexité de la situation entre allemands et anglais pour appuyer le sens de son propos. Le décor devient métaphore, renforce les émotions des personnages… et induit habilement le regard du spectateur. D’ailleurs, un élargissement est aussi possible en réfléchissant à cette situation et des questions viennent à l’esprit. Quelqu’un peut-il véritablement faire confiance à son ancien ennemi ? Est-ce qu’une nation entière est responsable des actions de son gouvernement ? Peut-on être complice du mal tout en étant « bon » ? Oui, Cœurs ennemis dépeint concrètement l’idée que, quel que soit le camp qui revendique la victoire, il n’y a jamais de gagnant à la guerre… La tragédie peut parfois se faufiler, se courber et parfois nous briser – et le film de James Kent nous prouve, une fois de plus, combien il est difficile (mais pas impossible) de passer alors à autre chose. Ramasser les morceaux n’est pas facile, surtout quand ces morceaux sont les nôtres. Car ce qui est vu ne peut être invisible et ce qui est fait ne peut être défait…Une chose est sûre, Cœurs ennemis est un film qui fait grand sens !

 

QUE CELUI QUI À DES OREILLES…

Audacieux… c’est sans doute le terme qui qualifie le mieux « Le Chant du Loup » qui arrive en salles ce 20 février. Un film français d’action et de suspense au casting 4 étoiles, première réalisation d’Antonin Baudry qui passe de la diplomatie au cinéma sur un long métrage qui ressemble plus à un défi ou un miracle qu’à un projet cinématographique classique.

Synopsis : Un jeune homme a le don rare de reconnaître chaque son qu’il entend. A bord d’un sous-marin nucléaire français, tout repose sur lui, l’Oreille d’Or. Réputé infaillible, il commet pourtant une erreur qui met l’équipage en danger de mort. Il veut retrouver la confiance de ses camarades mais sa quête les entraîne dans une situation encore plus dramatique. Dans le monde de la dissuasion nucléaire et de la désinformation, ils se retrouvent tous pris au piège d’un engrenage incontrôlable. 

Un film rare dans la typologie habituelle du cinéma français… car Le chant du loup a tout d’un Blockbuster hollywoodien, mais avec ce trait particulier d’aborder les personnages avec une humanité particulière et beaucoup de psychologie. Et justement ces héros de l’histoire (au double sens filmique et sociétal) sont fondamentaux dans le récit. Alors il fallait un casting 4 étoiles disais-je… François Civil, Omar Sy, Matthieu Kassovitz, Reda Kateb et Paula Beer se partagent ainsi l’affiche, et parviennent à se valoriser mutuellement. Ils excellent et insufflent cette humanité que j’évoquais, chacun à sa manière, à des personnages qui, il faut le reconnaître, par ce qu’ils représentent naturellement dans l’ordre militaire établi, pourraient en manquer terriblement.

Coup de chapeau donc à Antonin Baudry, qui n’emprunte pas le chemin le plus facile pour réaliser un premier film. Étonnamment, rien dans son parcours ne semblait l’y prédestiner. Ce passage à la mise en scène ressemble en effet à un sacré défi pour ce diplomate et conseiller politique. Seule réelle incartade jusque-là le sortant de cet univers particulier et un peu obscur, l’écriture du scénario des deux tomes de la Bande Dessinée Quai d’Orsay (2010), se nourrissant de son expérience auprès de Dominique de Villepin, alors ministre des affaires étrangères. Puis, dans l’élan de ce scénario, la présidence d’un jury au 43ème festival international de la bande dessinée d’Angoulême, en 2016.

Bon, parlons de l’histoire. Une histoire militaire au cœur de la marine française et des sous-marins nucléaires en particulier. Beaucoup de suspense avoir un scénario plutôt bien mené. On baigne (c’est le mot qui convient) dans un vrai jeu de stratégie, tel une bataille navale avec toute une tactique à mettre en place avant chaque décision. Il en ressort notamment un souci strict du moindre détail, qui rend l’histoire captivante. L’ambiance à l’intérieur de ces monstres de ferraille et de technologie est aussi remarquablement restituée avec la mise en relief de toute la promiscuité des lieux et la sensation d’étouffement qui s’y ajoute.

On pourra regretter les sous intrigues inutiles, romances superflues, sans doute voulues pour alléger le scénario mais, clairement, le film excelle dans le cœur de l’action, dans sa capacité à générer une vraie tension palpable. Il faut dire que le pari de faire que le héros soit un simple membre d’équipage est extrêmement payant. Un choix à contre courant de ce que l’on connaît habituellement dans les films du  genre comme « A la Poursuite d’Octobre Rouge » (John McTiernan, 1995), « Crimson Tide » (Tony Scott, 1995), ou encore « K19 » (2002), où le récit repose sur la figure charismatique et imposante du commandant. Ici, le héros s’appelle Chantraide (interprété par Francois Civil). C’est une « oreille d’or » comme on les appelle. Nom donné dans la marine nationale aux spécialistes de l’analyse acoustique qui embarquent à bord des sous-marins pour analyser et compléter les enregistrements du sonar. Et avec ce parti pris narratif, le son devient aussi l’élément fondamental de scénario. Quelle belle trouvaille quand on se situe sous l’océan et dans ce genre de navire où l’on sait que tout bruit prend une teneur différente par rapport à n’importe où ailleurs.

Un film qui permet également d’aborder les relations humaines au prisme de la confiance, de la fraternité, confrontées aux doutes et aux remises en question que l’échec peut générer. Les enjeux de sacrifice et de devoirs sont aussi présents et donnent de l’épaisseur au scénario.

Alors avec tout ça, comment hésiter encore, à moins de détester ce genre de cinéma. Avec un cocorico en prime, car c’est plutôt réjouissant de voir le cinéma français se hasarder dans ces horizons et de bien le faire, ce qui ne gâche rien. Alors que le chant du loup puisse, on l’espère, résonner agréablement dans les salles obscures et si possible, assez longtemps.

DUNKERQUE… I WILL SURVIVE

Quoi de mieux qu’une plage pour un film qui sort en plein mois de juillet… mais cette plage-là est d’un tout autre calibre. On s’en échappe ou on y crève ! Dunkerque, c’est pas le club Med chez Christopher Nolan, mais l’occasion pour lui d’utiliser cette histoire d’évacuation des troupes britanniques et françaises piégées par l’ennemi afin de travailler sur ses thèmes fétiches et aboutir à une œuvre magistrale.

 

La jetée, une semaine

La mer, un jour

Le ciel, une heure

Après une introduction qui nous plante le décor d’un combat où l’ennemi est invisible mais tout-puissant et des soldats qui sont pris comme des rats cherchant à s’échapper pour survivre, Christopher Nolan nous fait entrer véritablement dans le film avec ces trois positionnements géographiques et temporels. Dans ces trois décors se jouent alors de multiples histoires qui se font écho, qui se croisent, qui s’entremêlent tout en ne se déroulant pas dans la même échelle de temps. Dis ainsi, on pourrait s’inquiéter qu’une certaine complexité apparaisse mais c’est au contraire un élément de force qui apporte un rythme étonnant et qui ajoute à l’histoire en amplifiant cette thématique de la survie qui éclate extraordinairement tout au long du récit.

Christopher Nolan touche au génie dans sa réalisation et ses choix scénaristiques. Pour faire un film de guerre (du moins racontant un épisode d’un guerre), il choisit de ne pas parler du conflit mais de suivre des itinéraires… qui vont d’ailleurs en sens contraires pour une même alternative : s’enfuir et vivre. Alors il y a ceux bien sûr qui veulent quitter la plage par tous les moyens possibles et mais aussi d’autres qui veulent la rejoindre pour les aider ou les transporter. Et qui dit guerre induit aussi camps adverses, et là aussi il y a cet ennemi qui est forcément présent. Présent mais pourtant toujours invisible. Les Allemands n’existent que par leurs balles, par leurs avions mais sans même apercevoir leurs pilotes et donc par une présence quasi fantomatique, tels des rôdeurs dont les ombres entourent la plage. Et le spectateur se retrouve au cœur de l’histoire, lui aussi dans cette impression d’être chassé, de suffoquer que l’eau monte ou que le cockpit de l’avion ne s’ouvre plus… Il vit la fuite comme les soldats et les civils ont pu la vivre et la ressentir. Et dans la survit, c’est le silence qui l’emporte. Les mots sont en trop, superflus, voir perturbants… Alors le film est justement avare de parole. Et Nolan privilégie un regard, un visage, une émotion, une action.

Et puis il y a Hans Zimmer, le Maestro (et habitué du tandem avec Nolan) qui nous livre sans doute l’une de ses plus belles partitions, élément fondamental de Dunkerque. À la fois porteur comme la chape d’une maison en construction, la BO est aussi là l’élément qui relie les unités de temps et les histoires. Une partition quasi unique qui ne semble n’avoir ni commencement, ni fin… mais qui est là et accompagne la douceur, la tension, la joie, la vie, l’espérance ou la mort.

1h47 ! Dans cette indication de durée qui correspond précisément à la longueur de Dunkerque, se joue aussi l’une des réussites de Christopher Nolan. Il ne fait pas trop et terriblement efficace. Juste ce qu’il faut pour développer et couper quand il le faut, filer droit et virevolter au dernier moment comme le fait d’ailleurs un Spitfire dans les airs pour échapper au chasseur ennemi ou le little ship britannique dans la ligne de mire du Stuka allemand. Pas de superflus, de bons sentiments, de larmes ou de rires qui n’ont pas leurs places dans cette histoire. C’est à l’économie que Nolan travaille question émotions, du moins économie visible car on est loin d’être en manque, mais c’est à l’intérieur que tout se passe, au fond des tripes des acteurs… comme dans celles des spectateurs.

 

 

TOUT EST POSSIBLE À CELUI QUI CROIT

Croire, espérer contre toute espérance, avancer par la foi… telles sont les teneurs profondes de deux films qui sortent ce mercredi 10 mai sur les écrans français. Deux magnifiques longs métrages sur un même thème, avec des questions semblables et un certain nombre de points communs, de réalisateurs sud-américains de surcroit (chilien et mexicain) mais nous conduisant dans deux univers cinématographiques aux antipodes l’un de l’autre. J’ai aimé et je vous dis pourquoi…

Commençons avec Le Christ aveugle, sélectionné cette année à la Mostra de Venise, en compétition officielle. Premier film du réalisateur chilien Christopher Murray, Le Christ aveugle nous conduit à suivre le chemin caillouteux de Michael, jeune mécanicien. Ce jeune trentenaire est convaincu d’avoir eu une révélation divine, lorsqu’enfant il s’est fait planter des clous dans la main, par son plus proche ami, pour suivre les traces du Christ et ainsi le rencontrer. Lorsqu’il apprend l’accident de cet ami d’enfance, il entame un pèlerinage pieds nus pour aller à son chevet accomplir un miracle. Sa démarche interpelle la population exploitée des entreprises minières du désert chilien, les laissés pour compte, qui voient en lui un prophète. Cet homme est peut-être en mesure de les soulager de leurs souffrances…

C’est à la foi que ce film s’intéresse avant tout car Michael n’est pas dans une posture quelconque, il vit et surtout réagit simplement et naturellement au rythme de ce que ses convictions spirituelles impulsent en lui. Quand il entend que cet ami qu’il a perdu de vue depuis bien longtemps est blessé, il ne réfléchit pas mais quitte tout et, contre l’avis de son père, se met en marche. Tout est possible à celui qui croit et alors, à cause de sa foi, il va accomplir le miracle, tout naturellement. Dans cette attitude étonnante pourtant aucun égo surdimensionné, aucune paranoïa mais au contraire une forme de naïveté, de pulsion bienveillante… et quand sur sa route il croise une expression spirituelle s’appuyant sur une statue et des discours de prêcheurs, il réagit, là encore non pour prendre un pouvoir quelconque, mais pour interpeller sur le sens profond de la foi et du croire qui ne seraient ailleurs qu’à l’intérieur de chacun, au plus profond de l’humain.

Christopher Murray, tout en nous conduisant avec lenteur, intériorité et dans une esthétique assez sublime sur les pas de Michael et sur ses confrontations entre foi et réalités, entre bienveillance et rejet, entre solitude et amour partagé, entre souffrance et plénitude apaisée, nous révèle une œuvre d’une grande humanité. Humanité habitée d’ailleurs davantage par le silence de Dieu qui ouvre à une foi qui s’incarne et se joue finalement dans d’autres miracles que ceux que nous voulons parfois. Des miracles du quotidien, ceux qui se jouent dans la rencontre, les regards, dans des gestes d’amour marqués du sceau de la grâce.

 

Et donc, ce même 10 mai, sur les écrans français sort Little boy du mexicain Alejandro Monteverde. Un film qui revendique clairement faire partie du mouvement des « Faith Based Movies » (Films basés sur la Foi), mouvement qui a pris naissance aux Etats-Unis avec la sortie en 2004 du film de Mel Gibson, La Passion du Christ et qui depuis ne cesse de se développer. Mais Little Boy évite intelligemment l’écueil religieux en présentant un équilibre adroit dans son propos entre la thématique religieuse et des éléments profanes, en utilisant le ton qu’il faut pour ne jamais avoir l’air de donner une leçon de morale mais bien plus une leçon d’amour. Et c’est l’un des éléments de ressemblance avec Le Christ aveugle bien que, cinématographiquement, Alejandro nous conduise plutôt dans le sillage de Spielberg ou Wes Anderson que dans un film d’auteur sud américain.

Little boy, c’est l’histoire d’un petit garçon comme le titre l’indique mais aussi en référence au nom de code de la bombe A qui fut larguée sur Hiroshima au Japon le 6 août 1945. L’histoire se déroule précisément pendant la seconde guerre mondiale, dans un petit village de pêcheurs aux Etats-Unis. Alors que son père part au combat, Pepper, petit bonhomme de huit ans, reste inconsolable. Avec sa grande naïveté mais surtout beaucoup d’amour, il sera prêt à tout pour le faire revenir… quitte à déplacer des montagnes !

Little boy est un petit bijou de fraicheur qui ne manque assurément ni de sel, ni de lumière. D’un point de vue réalisation, photographie, acteurs, on est face à un très joli film bien ficelé et doté d’un casting plutôt haut de gamme avec notamment la grande Émily Watson, Michael Rapaport, Tom Wilkinson, Ben Chaplin ou le japonais Cary-Hiroyuki Tagawa pas forcément connu du grand public mais pourtant largement confirmé avec 55 films ou séries à son actif dont plusieurs blockbusters américains. Et puis il y a le héro, haut comme trois pommes, mais vraiment impressionnant, je parle du jeune Jakob Salvati, qui malgré son âge en est déjà̀ à son 6ème rôle ! C’est d’ailleurs une vraie différence avec le film de Christopher Murray qui, à part pour jouer son personnage principal, n’utilisera que des amateurs, des gens des villages dans lesquels il tourna. Ce qui n’enlève rien à la qualité, au contraire presque… amplifiant parfois le réalisme des images tellement important dans son propos.

Mais Little boy c’est quand même surtout une quantité de thématiques abordées qui font de lui un film idéal pour discuter. Dans le dossier pédagogique que propose SAJE, le distributeur français, et dans lequel j’ai participé activement, je relevais (et ce n’est absolument pas exhaustif) pas moins de cinq grands axes et dont certains se déclinent encore davantage : La naïveté de l’enfance, la relation père-fils (toute particulière dans l’histoire), l’impact de la parabole (point par ailleurs commun avec Le Christ aveugle), tout ce qui touche aux questions de racisme, stigmatisation, peur de l’autre et par opposition l’amour des ennemis, enfin bien sûr la foi avec son sens profond et ses limites.

Croire, vaille que vaille… car Il y a une sorte de folie qui accompagne la foi de cet enfant et tout le cheminement qui se produit aussi progressivement chez les habitants du village. Des évènements qui semblent corroborer qu’il se passe quelque chose… là où personne ne pouvait l’imaginer. Mais comme le dit Hébreux 11.1 « Mettre sa foi en Dieu, c’est être sûr de ce que l’on espère, c’est être convaincu de la réalité́ de ce que l’on ne voit pas ». Alors, méthode Coué – coïncidences – hasard – miracle ? Qu’en penser ? Comment faire la différence ? Ces questions sont bel et bien là et ouvrent encore plus loin car, quoiqu’il en soit, une chose est bien certaine : Cette foi naïve et pourtant absolue déplace bel et bien des montagnes, mais comme pour Le Christ aveugle, parfois là où on ne l’imaginait pas.

Pour votre curiosité personnelle, ou plus pratiquement en vue d’animer un débat avec ce dernier film, je vous conseille de télécharger le dossier pédagogique de Little Boy

 

 

  

 

DJANGO, LA VIE EN SWING

Django Reinhardt… un nom qui swingue sans besoin de rajouter quoi que ce soit d’autre. Cette légende de la guitare et du jazz a participé par son talent à donner au peuple du voyage une véritable identité musicale reconnue dans le monde entier. Bienheureuse l’idée de consacrer alors un film à ce musicien pas tout à fait comme les autres. Le réalisateur Etienne Comar se penche sur une courte période de sa vie, au cœur de la Seconde guerre mondiale, qui lui permet par la même occasion d’évoquer cette terrible persécution que les Tziganes ont subit durant cette période sombre de notre histoire.

Django Reda Kateb

A Paris en 1943, sous l’Occupation, le musicien Django Reinhardt est au sommet de son art. Guitariste génial et insouciant, au swing aérien, il triomphe dans les grandes salles de spectacle alors qu’en Europe ses frères Tziganes sont persécutés. Ses affaires se gâtent lorsque la propagande nazie veut l’envoyer jouer en Allemagne pour une série de concerts.

Etienne Comar est avant tout l’un des grands producteurs français à succès, parfois scénariste également. À son actif, une vingtaine de films dont Des hommes et des dieux, Les femmes du 6ème étage, Timbuktu ou Mon roi. Avec Django, il fait le pas qui le conduit derrière la caméra en devenant réalisateur de ce partiel biopic consacré à un épisode peu connu de la vie du musicien manouche Django Reinhardt. Zoom donc sur son exil forcé près de la frontière suisse pour fuir les persécutions nazies durant la Seconde guerre mondiale. Dans cette tourmente, Comar nous dévoile le talent de ce musicien génial, au sens étymologique du terme, sachant donner la vie à toute chose dès que ses doigts grattent les cordes de son instrument, et quelque soit d’ailleurs son état de forme ou le contexte autour de lui.

Si la réalisation reste très classique d’un point de vue cinématographique, on pourra apprécier l’intelligence du script par le fait de ne pas chercher à enjoliver les choses à l’excès en voulant à tout prix rendre héroïque l’artiste, qui devient, en quelque sorte, un résistant malgré lui alors qu’il veut simplement se consacrer entièrement à jouer, à composer… et aller à la pêche. La guerre n’étant pas pour lui son affaire mais plutôt celle des « Gadjé ». Dans ce rôle de musicien tourmenté, Reda Kateb trouve un écrin parfait dans lequel il vient prendre place à merveille. Même si physiquement la ressemblance n’est pas vraiment là (comme le soulignera David Reinhardt, petit fils de Django et conseiller sur le film – voir mon interview de David), son implication dans le rôle donne force et caractère au personnage. Côté casting, comment ne pas aussi être frappé par la justesse et la puissance émotionnelle qui se dégage de Bimbam Merstein, dans la peau de Negros, la mère de Django. Actrice pourtant non professionnelle, elle rayonne par l’expression d’une vérité étonnante.

Django et Negros

Et puis, coup de chapeau aussi dans le choix fait par Etienne Comar de ne pas caricaturer les Manouches, en choisissant des acteurs cherchant à jouer un rôle… mais d’avoir choisi à l’inverse de travailler dans l’authenticité des personnages, avec là encore des acteurs non professionnels mais tellement vrais. On entre alors dans la réalité terrible de cette part de notre histoire. Car si du côté des nazis les persécutions font rage envers ces « gens différents », nous sommes bien ici aussi en France, et le gouvernement de Vichy choisi alors d’interdire le déplacement de ce peuple qui vit précisément d’abord sur la route. L’horreur de la stigmatisation, du rejet, de la volonté de cloisonner, ce besoin de dicter ce qui est acceptable ou non (le swing est ainsi officiellement banni par les autorités allemandes)… finalement des thématiques anciennes qui font écho à des réalités d’aujourd’hui et qui donnent donc aussi à ce film de trouver un sens bienveillant dans notre contexte actuel.

BO Django

Enfin, il y a la partition musicale… Filmer Django c’est aussi se confronter à une nécessité de sans-faute dans la bande originale. Et l’on peut dire que le défi est clairement relevé avec brio. On se régale à réécouter le maître rejoué pour les besoin du film par le Rosenberg Trio (Stochelo Rosenberg: guitare lead, Nous’che Rosenberg: guitare rythmique, Nonnie Rosenberg : contrebasse). Stochelo Rosenberg étant considéré comme l’un des meilleurs guitaristes dans cet univers musical, alliant une technique impeccable, de l’élégance et mêlant ainsi virtuosité et émotion. Et enfin il y a bien sûr la scène finale, véritable bijou de ce long métrage… cette somptueuse interprétation du « Requiem pour mes frères tzigane », œuvre oubliée de Django Reinhardt, réécrite par Warren Ellis, et accompagnée par l’affichage des photos des malheureux sacrifiés.