POUR ALLER VOIR LA MER
Je crois que les titres à rallonge de films ont la fâcheuse tendance à m’attirer. Fâcheuse ? Pas forcément… La preuve avec La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil, la nouvelle réalisation de l’excellent Joann Sfar, qui délicieusement m’a emporté dans un road-movie entre réel et irréel, entre folie et mystère au grès d’une sublime Ford Thunderbird des années 70.
Seconde adaptation cinématographique du roman policier éponyme de Sébastien Japrisot, La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil, version Joann Sfar, nous permet de partir donc sur la route en compagnie de Dany, une rousse d’une extrême sensualité, qui vient d’ « emprunter » la voiture de son patron sur un coup de tête pour aller vers le Sud voir la mer pour la première fois. Volontairement, je préfère garder le mystère sur l’histoire pour vous laisser, vous aussi, vous prendre au jeu des questionnements et interprétations (si vous n’avez pas lu le roman de Japrisot). Car l’une des forces de cette histoire se trouve précisément là, dans l’absence de certitudes. Décrypter le vrai du faux, le conscient de l’inconscient, la part de folie de celle du réel…
Joann Sfar est un artiste. Il crée au gré de ses humeurs grâce au dessin, à l’écriture, par le biais d’une caméra ou d’un instrument de musique. Il collectionne même déjà deux Césars avec ses deux premiers films (Gainsbourg, vie héroïque et Le chat du rabbin). Et on ressent avec force cette exigence artistique dans la façon même de nous livrer cette histoire. Un profond sens de l’esthétique se dégage. Tout est magnifiquement équilibré et articulé : réalisation – photo – musique – rythme du montage… Tout en étant dans une histoire entre thriller et romantisme déstabilisant, l’ensemble peut aussi se vivre comme un long clip vidéo où la musique et l’image ne font presque plus qu’un, l’un portant l’autre et vice-versa.
Et puis il y a la dame… Freya Mayor dans le rôle de Dany, une jeune actrice écossaise de 22 ans encore peu connue du public français, si ce n’est par quelques ados qui l’auront sans doute découverte dans deux saisons de la série Skins. Freya est tout simplement éblouissante. Elle pétille, trouble, se fait tantôt fragile tantôt forte et attire irrésistiblement tant par sa plastique que par sa gestuelle et son regard… et colle ainsi à merveille au personnage de Dany. Freya donc, élément de force du film mais sans nul doute plus généralement la galerie de personnages qui émaille l’histoire. Qu’ils soient sur le devant (comme Benjamin Biolay dans le rôle du patron ténébreux, Stacy Martin qui campe la meilleure amie et épouse du patron ou le séducteur italien en la personne d’ Elio Germano) ou qu’ils soient juste de passage, voir même encore immobiles… chacun est là en place et juste pour amplifier l’atmosphère mystérieuse en envoutante.
La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil (je ne me lasserai pas de dire le titre) est donc l’un des films à ne pas rater cet été… et encore plus si vous aussi vous n’avez jamais vu la mer.