Peintre plasticienne diplômée de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, Nathalie Muron vit et travaille à Paris où elle enseigne notamment à l’école d’Art du Louvre.
Avec une série de grands formats en couleur, Nathalie Muron donne une fraîcheur contemporaine à un genre ancien : la peinture de portrait. Les yeux dans le vague ou rivés à leur téléphone, l’air songeur, boudeur ou mélancolique, les sujets ne nous regardent pas, pas plus qu’ils ne posent pour l’artiste et pourtant leur présence est magnétique. Instantanés saisis dans l’intimité mais dignes d’une série de mode sur papier glacé, figures à la fois éthérées et absorbées par les gestes quotidiens de leur journée, stylisés et parfois comme inachevés, ces portraits énigmatiques ne sont pas tant le reflet de notre époque que celui d’une génération. Comme les éphèbes à la beauté flamboyante d’Elisabeth Peyton ou les indolents désenchantés de Paul Verlaine, c’est une vision poignante de cet âge mystérieux et douloureux que nous offre à travers eux Nathalie Muron.
À noter que la galerie « Le Pavé d’Orsay » située 48, rue de Lille à Paris, se prête magnifiquement à l’exposition. Espace, clarté et lumière adéquate pour se promener et s’arrêter devant chaque œuvre. Se laisser toucher, prendre plaisir devant le beau… on en ressort conquis et ravi.
EXPOSITION :
du vendredi 5 au mardi 16 octobre 2018 : Tous les jours de 13h à 18h
Fermé le mercredi et le dimanche.
Hasard du calendrier… alors que sort ce mercredi la Palme d’or du dernier Festival de Cannes, The square, où l’art contemporain est au cœur de l’histoire, la Fondation Louis Vuitton, de son côté, accueille plus de 200 œuvres issues des collections du MoMA (Musée d’Art Moderne de New York). Occasion de vous parler de ces 2 événements qui se font écho en un seul et même article.
Alors, penchons-nous d’abord sur The Square, film du réalisateur suédois Ruben Östlund, qui s’était fait connaître précédemment avec Snow Therapy, qui pose ici un regard caustique sur nos lâchetés et interroge le « vivre ensemble » de nos sociétés en partant de l’histoire de Christian, un père divorcé qui aime consacrer du temps à ses deux enfants. Christian est conservateur apprécié d’un musée d’art contemporain. Il fait aussi partie de ces gens qui roulent en voiture électrique et soutiennent les grandes causes humanitaires. Il prépare sa prochaine exposition, intitulée « The Square », autour d’une installation incitant les visiteurs à l’altruisme et leur rappelant leur devoir à l’égard de leurs prochains. Mais il est parfois difficile de vivre en accord avec ses valeurs : quand Christian se fait voler son téléphone portable, sa réaction ne l’honore guère… Au même moment, l’agence de communication du musée lance une campagne surprenante pour The Square : l’accueil est totalement inattendu et plonge Christian dans une crise existentielle.
The Square est un film où l’ascenseur émotionnel fonctionne à merveille. On rit beaucoup, surtout dans toute la première moitié de l’histoire. Du rire généralement de situations, souvent grotesques, faites aussi de non dits qui parlent vrai, qui nous laissent comprendre des choses sans forcément avoir besoin de les prononcer. Et puis c’est le silence qui s’installe dans la salle obscure… silence profond face à un homme qui sombre dans une forme de chaos symbolisé admirablement dans cette scène où il se retrouve sous une pluie battante sur des poubelles qu’il éventre laissant les déchets et autres détritus se rependre autour de lui, dans l’espoir de retrouver quelques mots sur une feuille de papier. Et les sourires reviennent… mais la tension monte encore d’un cran avec cette scène ubuesque de dîner de gala, où un artiste entre, dans la peau d’un homme singe. Il s’en prend aux convives, d’abord amusés puis tétanisés, quand la créature tente de violer une femme. Le malaise se répand provoquant colère et violence. Des sentiments qui s’extériorisent quitte à en perdre même ses valeurs premières, son intégrité. C’est finalement l’un des enjeux intenses que révèle le scénario. Comment ce qui semble construire l’humain et une société sereine et bienveillante peut exploser facilement provoquant toutes sortes de réactions en chaîne ? Une critique finalement assez acerbe d’une société lissée et bien-pensante mais pourtant fragile et prête à exploser comme une enfant mendiante dans un carré. (je n’en dirai pas plus pour éviter le spoiler)
Et puis il y a l’art au cœur de l’histoire. Contemporain qui plus est, avec tout ce qui peut sembler de non sens ou d’arnaque… Ce « grand n’importe quoi » qui peut malgré tout émouvoir, surprendre, interpeller. Que l’on cherche à tout prix à expliquer alors que justement il n’y a pas forcément à comprendre mais juste se laisser toucher. Et la magnifique exposition « Être moderne : le MoMA à Paris » nous le rappelle aussi d’une autre façon. Depuis le 11 octobre s’est ouvert à la fondation Vuitton une exposition qui raconte l’esprit du MoMA depuis son ouverture en 1929 jusqu’à son agrandissement prévu en 2019. L’ensemble des œuvres est présenté à la fois de manière thématique et chronologique. C’est bien une magistrale leçon d’histoire muséologique suivant une chronologie de l’art bien balisée. Celle du fameux « canon » moderniste que le musée a contribué à bâtir, partant de Cézanne pour s’ouvrir ensuite aux artistes américains et enfin à une vision globale de l’art.
On commence donc avec les grands classiques du début de la modernité comme Cézanne, Matisse puis Picasso en passant par Hopper. Et bien sûr, on retrouve également les œuvres de l’abstraction américaine : les couleurs qui flottent de Mark Rothko ou encore les grands jets de peinture de Jackson Pollock. Les émotions sont variables, et les formes présentées le sont tout autant, car cette exposition nous présente une vision pluridisciplinaire : du roulement à billes aux dessins animés de Walt Disney, des archives de la danse au cinéma, de la photo au design, tout fait œuvre. Affiches, photos, objets, films… On se pose pour regarde le premier film Mickey en noir et blanc. On s’arrête devant la Roue de bicyclette de Marcel Duchamp. On sourit devant certaines œuvres moins évidentes comme ce « square » qui rappelle étrangement celui de Östlund. On entre dans la magnifique salle consacrée au Pop Art, spectaculaire elle aussi, et on s’arrête nécessairement devant la série des soupes Campbell d’Andy Warhol, peintes à la main, mais aussi devant une superbe Fender Stratoscaster. On réfléchit devant des œuvres qui choisissent le détournement pour devenir militante. Puis on redevient adolescent en entrant dans une guerre intergalactique, prenant les manettes du classique « Space Invaders » tout en ayant un œil sur les emojis du japonais Shigetaka Kurita, créateur original de ces amusants pictogrammes dont on ne peut plus se passer. Et enfin, cerise sur le gâteau, on ferme les yeux pour écouter le Motet à 40 voix, dans une interprétation spacialisée de « Spem in Alium Nunquam Habui », où chaque haut parleur, disposés en cercle, diffuse l’une des 40 voix pour lesquelles la partition fut écrite.
L’expo est présentée jusqu’au 05 mars 2018, et vous laisse donc le temps de trouver un créneau pour y aller… ce serait dommage de la manquer ! Occasion, qui plus est, de découvrir cet écran sublime qu’est le bâtiment de la Fondation Louis Vuitton, vous offrant notamment un panorama magnifique sur Paris et ses alentours.
The place, Billie, Drunk, Michel-Ange… Toute l’actualité ciné avec Jean-Luc Gadreau, journaliste et blogueur.
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