NOUVEL HORIZON
Bill Deraime, l’un des vieux briscards du blues français, qui en est devenu un symbole, célèbre ses cinquante ans de carrière avec un exceptionnel vingtième album studio mêlant passé et avenir.
Nouvel Horizon est un disque choral qui reprend en duo plusieurs de ses titres mythiques (Babylone, Le bord de la route, Un dernier blues, plus la peine de frimer…) avec sa bande d’amis dans laquelle on retrouve Kad Merad, Florent Pagny, Bernard Lavilliers, Jean Jacques Milteau, TRYO, Sanseverino, Fratoun (chanteur des Guetteurs), Yves Jamait, Joniece Jamison. Mais Bill ne regarde pas uniquement dans le rétroviseur. Il sait encore se projeter en avant en donnant de nouvelles et très jolies couleurs à ces anciens titres, en en proposant de nouveaux inédits démontrant que l’inspiration est toujours parfaitement au rendez-vous… mais aussi en indiquant une dimension spirituelle encore plus vaste et fondamentale.
Car oui, Bill Deraime n’est pas un artiste comme tous les autres. Peut-on d’ailleurs être un vrai bluesman et ressembler aux autres ? Bill ne sépare pas en tout cas toute cette dimension spirituelle et humaine de ses mots et de sa musique. J’ajouterai même de sa vie tout simplement. Pas de faux semblants ou de discours fabriqués mais de l’authentique avec des fêlures, de la joie, de l’humour, des doutes, des interrogations et de la foi et de l’espérance.
Nouvel Horizon, le titre de l’album, l’indique d’ailleurs parfaitement en reprenant les mots de la première chanson, tout simplement admirable tant dans ses qualités artistiques propres que dans le message dévoilé qui résume l’esprit Deraime et celui de cet album :
« Allez-vous m’aider à chanter ma chanson / Jusqu’à la fin chanter un chant d’libération / Pour imaginer un nouvel horizon »
Ou encore dans son dernier couplet :
« Assez parlé, divisé, dominé, / C’est l’esprit seul qui nous rassemble / Assez jugé, classé, assassiné, / Pensons plutôt l’avenir meilleur pour vivre ensemble. / N’ayons plus peur à chaque matin sa peine / Demain déjà luit dans la nuit d’aujourd’hui / Qui sème le vent de la tendresse humaine / Moissonne les champs dorés de l’infini. »
Pour revenir sur l’aspect artistique, Nouvel Horizon nous ballade dans les rythmique et l’univers de l’artiste : Blues évidemment, mais reggae, ballades, boogie, et ambiance Nouvelle-Orléans (avec même une pointe de culture amérindienne). Comme toujours, car c’est une constante chez Bill, on retrouve autour de lui une équipe musicale remarquable. Alors ça tourne, ça groove et ça offre une toile quasi parfaite pour que la voix grailleuse du barbu blanchâtre aux 70 balais vienne se poser pour distiller ses textes qui font tellement sens aujourd’hui encore. Et puis il y a tous ces duos plutôt vraiment sympas et bien vus comme celui avec Kad Mérad sur la reprise d’Otis Redding. Vrais coups de cœurs perso aussi pour L’enfer avec Lavilliers (titre qui lui colle avec une justesse étonnante) ou pour la revisite de Babylone avec Tryo. Concernant L’enfer, Bill Deraime explique que cette chanson est dédiée au collectif Les Morts de la Rue. Florentine, son épouse, et lui appartiennent à ce collectif qui se charge des enterrements des gens qui meurent dans la rue, pour leur éviter la fosse commune. Pour qu’ils soient enterrés dignement, avec une petite cérémonie. La phrase clé du titre, c’est « Et l’homme créa l’enfer » précise-t-il. C’est une chanson reptilienne, qui convie à un voyage intérieur.
Les inédits sont aussi bienvenus et par exemple ce Raymond. Bien différent de celui de Carla, ce Raymond là, c’est Ray Charles, bien sûr, mais c’est aussi l’histoire d’un mec qui part sur les routes du blues, là-bas, de l’autre côté de l’Atlantique. C’est une chanson blues funky, au sourire en coin, dédiée à son ami Chris Lancry.
Et pour finir, je reprendrai simplement les propos élogieux du magazine RollingStone d’une grande justesse : Cet opus nous fait passer du rire aux larmes, de l’espoir à la fin éternelle, de la grandeur de l’homme à sa fragile humanité. Bill Deraime donne une grande leçon de blues, et vise juste.
Enfin, sachez que Bill débutera ensuite une tournée anniversaire… et même si l’album est un vrai régal… Bill sur scène c’est tout simplement vrai et merveilleux !