La La Land, c’est la sortie dont tout le monde parle, programmée pour ce mercredi 25 janvier en France (mais déjà depuis plusieurs mois aux Etats-Unis) mais surtout fraichement auréolée de 7 Golden Globes annonciateurs eux-mêmes vraisemblablement d’une nouvelle pluie de récompenses lors de la très prochaine cérémonie des Oscars. Mais point d’exagération dans ce battage médiatique, la nouvelle réalisation du très doué Damien Chazelle qui nous avait déjà émerveillé avec Whiplash en 2014, est véritablement une petite merveille du genre.
Au cœur de Los Angeles, une actrice en devenir prénommée Mia sert des cafés entre deux auditions. De son côté, Sebastian, passionné de jazz, joue du piano dans des clubs miteux pour assurer sa subsistance. Tous deux sont bien loin de la vie rêvée à laquelle ils aspirent… Le destin va réunir ces doux rêveurs, mais leur coup de foudre résistera-t-il aux tentations, aux déceptions, et à la vie trépidante d’Hollywood ?
Quatre saisons pour raconter une histoire d’amour entre deux artistes… un pitch qui pourrait laisser songeur. Et pourtant ! C’est bien le prétexte à une magnifique histoire mise en image, en mouvement et en musique par Damien Chazelle. Vous le savez sans doute, ce La la Land est une comédie musicale. Mais réduire ce film à ce qualificatif serait une pure sottise. En même temps, comment ne pas commencer par cela car ça faisait un sacré bail que nous n’avions pu voir une telle proposition en matière de Musical. Chazelle nous téléporte dans l’univers des plus belles que le cinéma ait pu nous proposer… Singin’in the Rain, New York New York, Broadway Melody, Un Américain à Paris ou les Parapluies de Cherbourg sont inévitablement dans les esprits. Mais il réussit la prouesse de nous emporter plus loin en en faisant un film contemporain où les thématiques sont aussi valables aujourd’hui. Et dans la même dynamique, précisons que La la land est tourné en cinémascope, ce format extralarge qui était tant en vogue dans les années 50 et 60. Et dans le même temps il mêle un très haut niveau de technicité et un sentiment de naturel absolu porté par une photo sublime rappelant d’ailleurs très fortement l’univers de Whiplash.
Alors on danse, on chante évidemment comme dans toute comédie musicale, mais on joue aussi et on raconte une très belle histoire d’amour, contrariée bien sûr mais sublime et attendrissante, celle de Mia, la jeune comédienne et Seb, le pianiste de jazz frustré. Ils se croisent et se recroisent sans le savoir avant de tomber amoureux malgré eux. Ils partagent des rêves en commun mais ont aussi des rêves séparés et séparant. Mais l’amour n’est-il pas justement une opportunité pour les deux formes de projets ? Et l’amour peut-il y survivre ? Tant de questions au cœur de l’histoire mais plus simplement au cœur de la vie. La La Land est un film très juste sur l’amour, sa naissance, sa floraison, ses épreuves, ses risques. Jamais mielleux ni cynique, il navigue aisément dans cet entre-deux émotionnel avec raffinement. Et sans spoiler quoi que ce soit, il est agréable de reconnaître que la fin, ni tragique ni triomphante, ressemble elle aussi si souvent à la vie. J’évoquais des thématiques d’aujourd’hui encore, c’est par exemple aussi le cas plus largement avec cette réflexion sur ces moments de la vie où tout semble possible encore, parce qu’on a la foi, l’envie d’y arriver, parce que des rêves nous habitent, mais qui viennent peu à peu rencontrer la nécessité du choix, de l’engagement, voire même des compromis avec la réalité.
Et pour incarner Mia et Seb, Damien Chazelle a tiré le gros lot avec Emma Stone et Ryan Gossling qui forment un duo tout à fait remarquable et impeccable dans ce film intemporel. En effet cette modernité mêlée d’une couleur vintage apporte un charme particulier aux personnages. Pour ce qui est du jeu des deux acteurs, que pourrait-on ajouter ?… On touche à la perfection où la direction de Chazelle n’y ait sans doute pas pour rien. Un duo qui n’est pas une première mais dont on ne se lasse pas… tant la symbiose parfaite des acteurs crève l’écran.
Enfin, il y a le son… la musique… et le jazz en particulier, un style qui semble par ailleurs coller à la peau du réalisateur américain. La La Land nous régale en la matière. Pas étonnant que la BO du film soit en tête des charts aux Etats-Unis. L’homme de la BO c’est précisément Justin Hurwitz qui avait également participé à celle de Whiplash. On y retrouve différents styles avec des chansons interprétées par les deux acteurs principaux, Emma Stone et Ryan Gosling dans le pur esprit Comédie Musicale façon Michel Legrand. Et là comment ne pas s’amuser à remarquer que ces parties chantées s’intègrent parfaitement à l’intrigue et arrivent avec un tel naturel qu’on trouverait presque normal de pousser la chansonnette en pleine rue. Viennent s’ajouter quelques instrumentaux de jazz, dont plusieurs morceaux au piano ainsi que la chanson Start A Fire du musicien de RnB, John Legend qui participe également au film en jouant son propre rôle et en interprétant ce titre. Un morceau qui pourrait bien lui valoir l’oscar de la meilleure chanson originale comme en 2015 avec Gloria dans Selma. On se régale donc de musique mais on en parle aussi. Et à ce propos, une scène savoureuse à ne pas rater… ce dialogue entre Mia et Seb sur le jazz et cette énervante habitude de le cantonner à une simple musique d’ambiance pour soirées huppées.
Je suis tombé sous le charme, vous l’aurez compris… conquis par la grâce de ce feel-good movie d’une fraîcheur et d’une beauté immense. Feel-good movie n’étant pas un gros mot, il convient parfaitement à La La Land, car on se sent bien pendant et après. Alors pourquoi s’en priver ?
Le nouveau film de François Ozon nous fait remonter dans le temps. 1919, l’après guerre immédiat avec ses tensions, ses douleurs, ses absences… C’est précisément une absence qui est au cœur de cette histoire. L’absence de celui qui donne titre au film, Frantz, ce jeune allemand mort à un combat qu’il n’a pas voulu. Une absence qui va même jusque dans la tombe, là où pourtant tout commence.
Au lendemain de la guerre 14-18, dans une petite ville allemande, Anna se rend tous les jours sur la tombe de son fiancé, Frantz, mort sur le front en France. Mais ce jour-là, un jeune Français, Adrien, est venu se recueillir sur la tombe de son ami allemand. Cette présence à la suite de la défaite allemande va provoquer des réactions passionnelles dans la ville.
C’est au travers d’un élégant noir et blanc où la couleur vient s’immiscer régulièrement comme un souffle fragile, comme une flamme vacillante mais lumineuse à la fois, que le réalisateur François Ozon nous entraine dans un drame historique. Il nous plonge dans les traumas de la Première Guerre (et nous laisse d’ailleurs comprendre pourquoi ce ne fut que la première…), par le biais d’une valse amoureuse contrariée qui soulève pourtant des questions d’humanité profonde. Culpabilité, pardon, mensonge, deuil, patriotisme, déni et amour… voilà tant de sujets qui viennent se heurter les uns aux autres tout au long de l’histoire. Un film qui ressemble aux chemins de la vie… se posant doucement puis accélérant le rythme nous donnant de croire ceci ou cela, naïvement… puis nous déroute, nous rentraîne ailleurs… et nous déroute encore, pour reprendre la voie d’un chemin de fer qui nous ramène au port.
La caméra d’Ozon choisit de filmer tout cela avec une infinie tendresse qui se pose en particulier sur l’actrice allemande Paula Beer, l’immense et magnifique révélation de Frantz. Comment ne pas s’attendrir quand, par exemple, une larme coule sur le doux visage d’Anna (Paula), alors qu’elle se trouve derrière les barreaux d’un confessionnal, qui devient pourtant le lieu de l’absolution et d’une certaine guérison ? À ses côtés, Pierre Niney est d’une justesse remarquable, sans excès, plutôt même dans une retenue qui façonne son rôle. On touche à une forme de perfection de l’image qui émeut et rend admiratif comme devant un chef d’œuvre du Louvre. Comme face à cette toile de Manet, « le suicidé » devant laquelle on peut se frayer un chemin pour apercevoir ou encore s’assoir sur un canapé et regarder. En parlant de toiles, d’œuvres d’art, c’est une analogie facile que je réalise puisque l’art est sans doute l’une des composante essentielle de ce long métrage. La peinture, mais aussi la poésie et celle de Verlaine en particulier, sans oublier la musique. La bande originale n’accompagne pas seulement les images mais elle devient partie prenante de l’histoire. Elle est un fil conducteur implacable prenant tour à tour le son d’un violon, d’un orchestre symphonique, d’un chant lyrique, d’un piano, d’un hymne national, et même d’une musique folklorique germanique…
Frantz est un film qui fait du bien à l’âme, et qui fait du bien tout court !… Alors merci M. Ozon.
C’est avec bonheur que le Festival de Cannes 2016 s’ouvre avec Café Society, le nouveau Woody Allen, octogénaire toujours actif et performant. Aucune pression pour le maître comme, il se doit, puisque le film est, comme toujours, hors compétition. On y va pour le plaisir et pour entrer on ne peut mieux dans la quinzaine cannoise, qui malgré la grisaille du ciel s’éclaire par le génie du maitre new-yorkais.
Café society démarre à New York, dans les années 30. Coincé entre des parents conflictuels, un frère gangster et la bijouterie familiale, Bobby a le sentiment d’étouffer ! Il décide donc de tenter sa chance à Hollywood où son oncle Phil, puissant agent de stars, accepte de l’engager comme coursier. À Hollywood, Bobby ne tarde pas à tomber amoureux. Malheureusement, la belle n’est pas libre et il doit se contenter de son amitié́. Jusqu’au jour où elle débarque chez lui pour lui annoncer que son petit ami vient de rompre. Soudain, l’horizon s’éclaire pour Bobby et l’amour semble à portée de main. Mais…
Woody Allen, avec son 46ème film, continue à nous faire du bien avec tellement de talent. Il y a en effet de la beauté dans Café society tant dans l’image que dans l’ensemble de ce qui fait cette histoire. La photo de Vittorio Storaro (le directeur photo du « Dernier Empereur » et de « Little Buddha ») d’une immense qualité, chaude à souhait, nous restitue l’ambiance des années 30 et apporte une douceur particulière. Le mot qui me vient à l’esprit en sortant de séance presse est « charmant ». Une belle histoire d’amour, pas toujours simple mais pas alambiquée non plus, se déroule devant nous portée par des acteurs merveilleux (Kristen Steward, Jesse Eisenberg, Blake Lively, Steve Carell…) et la voix de Woody en récitant « so smart ». L’humour est évidemment très présent, du moins une subtilité délicieuse qui accompagne presque chaque scène. Et puis, il y a le jazz… incontournable et créateur d’une ambiance unique.
Enfin, comme on aime être « spirituel » sur ce blog, comment ne pas évoquer un dialogue succulent où se trame une comparaison burlesque entre judaïsme et christianisme. Et c’est l’espérance d’un devenir après la mort qui fait la différence et pousse le frère de Bobby à changer de religion juste avant de passer par la chaise électrique, ce qui désole profondément Rose sa mère, soit dit en passant, constatant amèrement par la même occasion que cela apporterait sans doute d’avantage de clients si les choses étaient autrement !
Alors courrez vite voir Café society et soyez ainsi à l’heure de Cannes, puisque le film sort sur tous les écrans aujourd’hui. Pour ma part, et avec le Jury œcuménique, le travail commence et les films cette fois-ci en compétition arrivent dès ce soir… et je vous retrouverai là chaque jour pour vous en parler.
Mais encore, une fois, quelle bonne idée de commencer ainsi. On se sent bien, et c’est plutôt bon pour la suite !
Éperdument est une adaptation de Défense d’aimer (Presses de la Cité, 2012), de Florent Gonçalves, dans lequel cet ancien directeur de prison racontait ses amours avec une détenue, qui avait été utilisée comme « appât » dans l’affaire du « gang des barbares ».
Le réalisateur Pierre Godeau a décidé d’adapter cette passion impossible au cinéma, en supprimant toute allusion à à ce fait divers sordide. Il choisit de ne se concentrer que sur la passion amoureuse qui se développe entre les deux protagonistes interprétés avec brio et sensualité par Guillaume Gallienne et Adèle Exarchopoulos. Peu nombreux auraient sans doute été ceux à parier sur ce duo, mais pourtant le choix est remarquable et fonctionne à merveille. C’est d’ailleurs la grande réussite du film qui donne force à l’histoire qui, finalement, en ne se fixant que sur la passion, n’est pas tellement fournie.
Au-delà de la performance d’acteurs, deux autres points positifs m’on permis de passer un très bon moment. Tout d’abord c’est la qualité du travail effectuée pour rendre la réalité du l’univers carcéral féminin. J’y vois une grande justesse qui pourrait nous donner parfois l’impression d’être dans un documentaire en immersion. Et si parfois certaines lourdeurs peuvent néanmoins apparaître, l’ensemble reste très cohérent. Et enfin c’est la thématique en elle-même qui accroche. Ce questionnement sur la folie d’une passion amoureuse qui peut amener cet homme à tout perdre, à agir avec une folie furieuse (du moins pour le regard extérieur), sur le basculement d’une vie par amour, l’auto-destruction qui peut en découler… la complexité des rapports amoureux, l’interrogation sur le jeu entre manipulation et séduction… le sens de la famille et sa fragilité. Des sujets finalement à la fois très classiques et tellement compliqués, en tout cas universels mais qui dans le contexte si particulier de cette histoire prennent une tournure intéressante et touchante.
« Her », le dernier film de Spike Jonze avec Joaquin Phoenix et la voix de Scarlett Johansson, est sorti au cinéma mercredi 19 mars. Une histoire d’amour totalement étonnante entre un homme et un programme informatique.
L’histoire se déroule dans un futur proche. On imagine facilement donc une évolution des tendances actuelles où les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle est en plein essor. Et justement, tout commence avec une innovation technologique et la mise sur le marché d’un nouveau programme informatique, un système d’exploitation… une sorte de Siri (la voix de l’iphone !) développé et intelligent. Theodore (joué par Joaquin Phoenix), un artiste des mots (il travaille pour un site proposant d’écrire à votre place des lettres d’amour ou autres missives familiales. Une situation créant un paradoxe criant dans cette histoire entre le son et l’écrit… entre les nouveaux moyens de communication et les anciens qui deviennent presque de l’art), un gentil romantique passant par une phase de déprime et de solitude au seuil d’un divorce extrêmement douloureux, choisit de tenter l’expérience… il opte pour une voix féminine… ce sera celle de Samantha, sensuelle et drôle à la fois, interprétée par Scarlett Johansson… et là la « love story » commence ainsi.
Beaucoup de critiques ont déjà était écrites sur ce magnifique film. Et personnellement, je vous recommande celle de mon ami Vincent Mieville sur son blog. Inutile donc pour moi de redire les mêmes choses, arrivant un peu en retard sur le sujet. Mais juste envie donc d’exprimer là un ressenti à la sortie de cette séance. Celui d’un moment de bonheur simple et agréable. Oui, ce film m’a fait du bien !
Il faut vous avouer que je suis très sensible à la voix. À la fois de part le travail que j’ai pu et fais encore avec, de part la formation que j’ai pu avoir (avec plusieurs professeurs de diction, théâtre, communication et chant qui ont eu un fort impact en moi) et peut être aussi tout naturellement par une sensibilité personnelle. C’est pourquoi justement, j’apprécie autant la radio et prends autant de plaisir à en faire encore, à chaque fois que l’occasion et la disponibilité se présente. Aimer une voix qui devient présence et absence en même temps… partager avec elle, cheminer paisiblement, réfléchir à la vie… C’est l’expérience de Théodore et celle aussi finalement de Samantha, avec des spécificités particulières qui apparaissent tout au long du film et ce jusqu’à un rebondissement retentissant que je me préserverai de vous dévoiler.
Un film très riche à différents niveaux : Esthétisme de la photo, qualité des dialogues, scénario extrêmement original, musique (avec la présence du groupe Arcade Fire entre autre) et jeu d’acteur formidables et à propos. Mais aussi par les thématiques abordées directement ou de façon plus suggestives : les relations humaines, l’individualisme (tellement fort ces scènes de rues où chacun marche parlant à son OS… une foule plein d’individus solitaires… avenir ou déjà présent ?), le sens profond de l’amour, le respect de l’autre (qui peut aller jusqu’à l’effacement…) et bien sur l’évolution de la société technologique. Que de richesses ! Alors, comme rien n’est jamais parfait… on pourrait éventuellement trouver parfois le temps un peu long au milieu du film. Ce ne fut pas mon cas personnel, mais cela peut s’envisager et s’entendre, sans doute à cause du rythme et de l’évolution tout en douceur de la relation entre Théodore et Samantha.
Ah, au fait… Théodore dans son étymologie signifie « don de Dieu ». Une idée intéressante à garder en tête, sans aucun doute, pour découvrir ce film d’amour, pas comme les autres.
The place, Billie, Drunk, Michel-Ange… Toute l’actualité ciné avec Jean-Luc Gadreau, journaliste et blogueur.
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