Avec The Bra c’est un petit bijou de poésie et de comédie qui sera sur les écrans ce mercredi 11 septembre, à mille lieux des sorties habituelles. Tout simplement une œuvre artistique, qui fait le pari de laisser silencieux ses comédiens pour apporter une vraie fraîcheur par l’histoire, le geste, et l’image.
Un train de marchandises traverse les vastes prairies le long des montagnes du Caucase. Au volant, Nurlan, le conducteur du train. Jour après jour, il dirige son train à travers les banlieues densément peuplées de Bakou, où les voies ferrées sont si proches des maisons que Nurlan traverse pratiquement en voiture les salons et les jardins des habitants. Au cours de son voyage quotidien, il passe devant des hommes buvant du thé et des femmes accrochant leur linge pour le faire sécher dans le vent. Dès que le train approche, un petit orphelin du nom d’Aziz donne un coup de sifflet et les habitants de la banlieue cherchent rapidement un abri pour eux et leurs biens. Mais ça ne se passe pas toujours comme prévu. Nurlan a déjà ramassé toutes sortes de choses sur son chemin à travers la ville : des plumes de poulet, des balles de jouets, même des draps de lit. Le dernier jour avant la retraite, un cadeau d’adieu très spécial s’emmêle sur son moteur : un soutien-gorge en dentelle bleue d’une merveilleuse beauté. Après son travail, Nurlan l’emporte avec lui dans son village, dans les montagnes. Sa curiosité est éveillée : à qui appartient ce petit morceau de tissu ? Pour échapper à son existence solitaire, Nurlan se lance dans la plus grande aventure de sa vie : retrouver la propriétaire de ce sous-vêtement…
L’inspiration de sa nouvelle comédie, dit le réalisateur berlinois Veit Helmer, assez peu connu en France malgré une œuvre plutôt abondante, vient d’un reportage entendu sur Radio Free Europe/Radio Liberty sur ce qu’on appelle Shanghai dans la banlieue de Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, un quartier miséreux et délabré où les voies ferrées passent à quelques centimètres des maisons. Ce qui donne à la fois des images impressionnantes et des émotions tout à fait particulières. À partir de ce décor, se bâtit alors un conte à la Cendrillon, mais façon Tati ou Jeunet, où le décalage est permanent et où le charme opère puissamment. L’histoire a du poids, de la profondeur et une vraie poésie, avec le directeur de la photographie Felix Leiberg qui tire le meilleur parti de tout ce qui est à portée de main, des décors montagneux dramatiques aux piscines de lumière chaude la nuit. L’itinéraire du train peut être fixe, mais l’intrigue de Helmer prend plusieurs détours satisfaisants avant d’arriver à une destination inattendue mais bienvenue.
Le plus rafraîchissant dans cette comédie sans dialogue (coproduction entre l’Allemagne et l’Azerbaïdjan), c’est que ce choix fait véritablement sens comme une vraie stratégie narrative et n’est pas juste là pour évoquer des films de l’époque du muet à la manière de The Artist, ou pour se donner un genre particulier. « Raconter une histoire sans dialogue est pour moi la forme la plus pure de l’art cinématographique, dit Helmer. Après tout, la langue est ce qui nous sépare des autres peuples et pays ». En fait, il faut ajouter que le son joue pourtant un grand rôle – il y a les bruits de machines, d’ambiance et de la musique – et c’est ce qui nous fait réaliser à quel point ce que nous entendons dans le monde n’a rien à voir avec le langage.
Enfin, avec ce scénario tellement aux antipodes de tout ce que l’on peut avoir l’habitude de voir au cinéma, se dévoile une très jolie quête d’amour, dopée à la sensibilité et à la délicatesse. Et juste pour ça, on ne doit vraiment pas se priver d’aller voir The Bra.