Si le cinéma est fiction, l’une des option, très contemporaine, parfois choisie est de travailler sur le réalisme possible d’une histoire et surtout dans la façon même de la traiter. C’est sans doute un aspect qui rapproche deux films vus aujourd’hui à Cannes.
Le premier, « La loi du marché » qui sortira sur les écrans français ce mercredi 20 mai, réalisé par Stéphane Brizé et dont le héro principal de l’histoire est joué par Vincent Lindon, raconte l’histoire d’un homme de 51 ans, Thierry, qui, après 20 mois de chômage, commence un nouveau travail qui le mettra bientôt face à un dilemme moral. Stéphane Brizé choisit de nous plonger dans ce drame social à la façon d’un docu-réalité. On entre d’ailleurs tout de suite dans le vif du sujet, en plantant le décor dans un bureau de pôle emploi avec un face à face magnifique entre Thierry et son conseiller. Le ton est toujours très juste. On se croirait presque dans un énième épisode de la série « Strip-Tease ». Cette impression a plusieurs origines : La façon de filmer bien évidemment, très proche de l’action, façon reportage. La qualité du travail de Vincent Lindon, amplifiée par son physique, son allure, sa gueule (si j’ose dire). Mais aussi le choix du réalisateur de travailler avec des acteurs non professionnels en face de Vincent. À ce propos Stéphane Brizé dit : « J’ai le sentiment de me rapprocher d’une vérité́ qui est la chose qui m’intéresse le plus dans mon travail. Il fallait que je pousse le système plus loin en confrontant un comédien ultra confirmé à une distribution entière de non professionnels. Il y a beaucoup de rôles qui correspondent à des fonctions précises ; les agents de sécurité́, la banquière, des syndicalistes, les agents de Pôle-Emploi, les hôtesses de caisse, etc. Coralie Amedeo, la directrice de casting, a donc cherché en tout premier des personnes qui occupaient la fonction du film dans la vie. J’ai été bluffé par les gens que j’ai rencontrés. Je doute qu’ils sachent faire ce que des acteurs font mais ce qu’ils font, je pense qu’aucun acteur n’est capable de le faire. » « La loi du marché » n’est évidemment pas tendre avec la société française actuelle en dépeignant une réalité en souffrance, où l’on peut se tuer à cause de son emploi ou de son non-emploi. Une société où la banque est toujours prête à vous soudoyer un peu plus pour pomper d’avantage et faire mal où justement ça fait déjà excessivement mal ! Où une entreprise peut sacrifier son personnel pour aller fabriquer ailleurs pour moins cher, sans se soucier de l’existence, de l’individu. Et alors ce film devient politique, œuvrant pour le bien de la cité, et ouvrant un dialogue nécessaire.
Dans un autre genre, la fiction que propose la talentueuse Maïwenn, « Mon roi », joue elle aussi sur l’authenticité. Une vrai sincérité se dégage de ce film et du jeu, en particulier, du duo ou plutôt faudrait-il dire pour coller à l’histoire, de ce couple formé par Vincent Casse et Emmanuelle Bercot. Une relation étouffante et destructrice qui s’étale sur une dizaine d’année et qui permet de parler de la vie à deux, de l’amour, de la passion, et des enjeux de manipulations et de pouvoir qui peuvent parfois s’immiscer, en particulier quand l’un des protagonistes s’avère être un pervers narcissique flagrant. Prouesse alors des acteurs pour donner vie et vérité à cela et nous donner de réagir intérieurement avec l’envie de dire « stop », d’entrer nous aussi dans le film pour couper cette relation dévorante et toxique. Maïwenn réussit une nouvelle fois son pari et nous emporte avec elle.